Il est désolant de voir comment un seul film peut ruiner toute l’idée que l’on se faisait d’un courant ou d’un mouvement cinématographique. En effet, à peine dix ans après sa création, la « Nouvelle Vague » Taïwanaise reçoît un coup de poignard dans le dos de la part d’un espion immergé en son cœur (la décevante présence de Lee Kang Sheng, le fabuleux interprète des films de Tsaï Ming Liang). Car si Sweet Degeneration a tous les stigmates de l’un des plus intéressants courants du cinéma actuel, pas une seule seconde il n’arrive à égaler le talent de ses représentants les plus illustres (Hou Hsiao Hsien, Edward Yang et Tsaï Ming Liang pour ne pas les citer).
Et ainsi on en arrive à douter de ce mouvement qui s’est fait une petite réputation par une esthétique magnifique et une quête d’identité perturbante durant les dix dernières années. Le film de Lin Cheng Scheng n’est qu’une pâle copie de tout ce que l’on a pu voir venu de Taiwan. Car le problème de ce jeune homme, c’est qu’il aurait bien voulu en faire partie de cette « Nouvelle Vague » et qu’avoir le rôle de Tsaï Ming Liang l’aurait enchanté. Malheureusement, dans la vie on ne fait pas toujours ce que l’on veut (mon chat aurait bien voulu s’appeler Sphinx au lieu de Mistigri, par exemple). Lin Cheng Scheng tente ainsi vainement de se rapprocher de son maître sans dépasser le fameux « vouloir dire » cher à Godard. Les plans se succédant pathétiquement, n’arrivant même pas à créer l’illusion du talent en invoquant des images plus ou moins poétiques (Lee Kang Sheng se lavant avec son slip sur le toit d’un immeuble par une nuit pluvieuse).
L’enfoncement progressif du film nous conforte dans notre jugement et la lourdeur des situations nous font regretter l’empressement et l’excitation éprouvée à l’idée de voir une œuvre « made in Taiwan ». Alors que certains films de Hou Hsiao Hsien sont encore inédits en France on ne peut qu’en vouloir au distributeur d’avoir osé exporté « ça » jusque chez nous.