Pour son second long métrage, Bruce LaBruce adopte le mode de l’autobiographie. Choix a priori étonnant si l’on ignore que le réalisateur a une vie largement consommée derrière lui. Tout d’abord acteur gay de films pornos, il se distingue rapidement par la passion et le romantisme qu’il éprouve en tournant. Il réalise ensuite plusieurs films en Super 8 tels que La Chevauchée follastique ou Rescapé d’un viol collectif. Puis il décide de se retirer du milieu (puisque celui-ci devient de plus en plus hétéro), sombre dans l’alcool, vit des liaisons difficiles, et se met enfin à réaliser ses propres histoires, comme nous avons pu le voir avec No Skin Off My Ass (sorti le 19 août dernier).
Ainsi Super 8 1/2 nous retrace le parcours de Bruce : Googie, réalisatrice underground, décide de tourner un documentaire expérimental sur lui. Bruce croit tout d’abord à un come-back glorieux : il se confesse, met à jour ses ambitions créatrices et poétiques, avoue ses attirances pour ses partenaires. Leurs divers témoignages se mêlent aux extraits de films antérieurs, où l’on a d’ailleurs plus l’impression de voir un porno des années 20 qu’autre chose… Mais Bruce se retrouve vite humilié par son statut d’acteur incompris et oublié. Googie n’arrive à rien, et, séduite par deux soeurs lesbiennes, lui préfère comme sujet une sorte de Bonnie and Clydie nommé « Mon doigt fait loi ». Les deux femmes, braqueuses, fuient la ville à bord d’un 4×4 volé. En route, elle prennent un auto-stoppeur, le bâillonnent et en abusent au moyen d’un gode. Le pauvre Bruce est réduit à faire la doublure du cul de l’auto-stoppeur lorsqu’il se fait pénétrer ! Malgré cela, Bruce est du cocktail lors de la sortie du film : seul dans une salle aux couleurs sombres, il se fait aborder par la presse avide de déclarations personnelles et artistiques. On pense à Fuller au début de Pierrot le fou et, comble de la situation, un journaliste le compare à Godard ! De la même façon, il se fait traiter d’Antonioni, spécialiste des « Cahiers du Porno »…

Et pour encore y revenir, le burlesque et le lyrisme côtoient l’oeuvre à diverses reprises, de par l’écriture et la réalisation attentive et posée. L’excitation des soeurs quand au tournage de leur premier film, les essais que fait passer Googie… sont d’une folie décalée irrépressible.
Et la passion que met Bruce LaBruce à filmer un rapport est à la fois si franche (puisqu’ici le tabou est inconnu) et attendrie, que la question du voyeurisme ne se pose pas. Liberté, confession, rapports de séduction, clins d’oeil cinématographiques dévoués…. une sorte de Nouvelle Vague contemporaine !