Après deux volets figés dans un béton figuratif des plus soporifiques, il n’y avait plus grand-chose à attendre de George Lucas cinéaste. Heureuse surprise de constater que pour cet ultime tour de piste, le cinéaste maître du monde a réappris le mouvement. Partiellement on va dire, mais tout de même : La Revanche des Sith est enfin un vrai film, plutôt qu’une simple vitrine Shakespearienne pour parcs d’attractions. Du mouvement mais aussi une respiration propre habite l’oeuvre, qui dans le même temps s’éprend d’une conscience noire, une impuissance mélancolique de ne s’avérer qu’un vulgaire pion, pour gigantesque soit-il, sur un interminable échiquier.

Lucas reprend les choses là où il les laisse d’habitude. Décadrage sur texte aérodynamique et le ballet de shoot’em-up s’engage, à l’intérieur duquel une doublette de héros franchit le premier niveau. D’emblée, le récit est tenu : plus de scénographie et de courbes d’accélérations (montage alterné et interactions sur les péripéties de R2D2 / Anakin), une vitesse que les tirades discursives n’entachent pas trop. Question de timing et de circonstances. Lucas n’a plus de monde à inventer ou de personnages à introduire, seule compte la manière de refermer la bible dont il est l’auteur, principe rachitique mais dantesque si on l’applique à l’imprégnation de la culture Star wars depuis trente ans. En ressort un suspense au diesel, qu’on savoure gentiment à petites gorgées, plaisir totalement distancié sur l’action qui défile sous nos yeux. Nostalgie donc, matière que Lucas, grand gourou des attentes du public a tellement tripotée qu’elle définit son travail depuis toujours (exception faite du chef-d’oeuvre THX 1138) et dont La Revanche des Sith constitue une sorte de parachèvement.

Pour autant, Lucas retrouve une accointance politique, plus acérée et passionnante que par le passé. Pas besoin de décryptage sophistiqué : la prise du pouvoir de l’Empereur résonne très Bush républicain, où populisme et mise en scène de la peur sont les constituants du côté obscur de la Force. Lucas y greffe le reflet de lui-même avec une puissance insoupçonnée, joyeux rebelle il y a trente ans (Luke Skywalker) puis aujourd’hui dictateur triste et (maladivement) froid, berné par un système que sa mégalomanie croyait dompter. Pour une fois, le filigrane est assez clair. La révolution Star wars pouvait mettre les Jedis au centre du monde (soit les auteurs à Hollywood, surtout Coppola mentor et frère ennemi du cinéaste, qu’Obi-Wan semble incarner de plus en plus clairement), mais elle a finalement bâtit un Empire de l’argent, étoile noire sinistre mais fascinante par sa démesure.