132 minutes, c’est anormalement long pour une comédie romantique. En quantité, Spanglish prétend offrir plus qu’un package love, etc. de 90 minutes. Spanglish est donc un moyen-métrage de 42 minutes. Il s’y passe quoi ? Le choc du Span et du Glish, la rencontre de la jeune Mexicaine Flor (Paz Vega, la femme pénétrée par son liliputien de mari dans le court-métrage inséré dans Parle avec elle d’Almodovar) avec une famille de Californiens aisés mais agités. Spanglish, contraction de spanish et english, s’offre en guise de sujet le choc des cultures et le rapport entre natives et immigrants, du côté de la cité des Anges.

Gentil film, donc, qui étale un programme gagnant d’avance. Soit la chimie, politiquement correcte, d’une lutte des classes telle qu’on la rêve. Belle latino élevant seule sa fille (brillante écolière) mais ne parlant pas un mot d’anglais rencontre cuisinier successful (3 étoiles bientôt 4). A Hollywood, la lutte des classes a toujours l’air d’un conte de fées, où les princesses sont belles, mais mal coiffées. Là, en 132 minutes, James Brooks (Pour le meilleur et pour le pire) a le temps de complexifier un peu son affaire. Ajoutant ici un drame socio-filial (la fille de Flor se plait chez les gringos, un peu trop au goût de sa maman), là une poignée de seconds rôles (ado boulotte et complexée, grand-mère chanteuse retraitée, alcoolique et malicieuse, etc.). Se permettant même un anti-dénouement pour clamer sa lucidité (pas de lâché de tourtereaux en fin de film). Il y a chez James Brooks un désir visible de gagner sur tous les tableaux, devançant partout les reproches qu’on pourrait lui faire. Il a vu toutes les bluettes faux-derche des années 90 et en a retenu les leçons nécessaires pour en réaliser l’antithèse. C’est assez réussi, mais aussi bien moins réjouissant. Le secret de la comédie romantique n’est pas la qualité d’un regard, le refus des conventions ou le sérieux pour aborder quelque thème de société, mais au contraire une manière d’établir les règles d’une sociabilité inédite, ou, plus joliment, utopique. Restent les acteurs, Tea Leoni dans un numéro quasi-amusant, de bourgeoise borderline, et Adam Sandler qui, même lorsqu’on ne lui demande rien -en tout cas pas d’être drôle- a toujours envie de faire un sketch. Du calme, Adam.