Tout porte à croire que le relatif succès de Arnaques, crimes et botanique, le premier film de Guy Ritchie, lui est monté à la tête. En témoigne, dans Snatch, ce générique rock’n’roll sur fond de braquage, où le nom du cinéaste est mis en vedette, révélant l’admiration pour Tarantino et sans doute la faiblesse de se croire un talent comparable. Passée l’exaspération que provoque cette pose -qui, hélas, persiste tout au long du film-, la vision de Snatch réserve tout de même quelques surprises.

Reposant sur une confuse histoire de vol de diamants et de combats de boxe truqués, le film vaut surtout par son panel de petits barons de la pègre londonienne, interprétés par une pléiade d’acteurs talentueux et drôles. Brad Pitt le premier, dans une étonnante composition de gitan dyslexique, champion toute catégorie de la boxe à main nue. On pouvait craindre que la présence de la star ne soit un peu voyante et dépareille le reste du casting. Or, Brad Pitt est comme un poisson dans l’eau dans cet univers déjanté et parvient sans mal à faire rire, à tel point qu’on se demande pourquoi il ne tourne pas plus de comédies. Où il jouerait, mettons, un cousin benêt de l’héroïne plutôt que son bad guy préféré…

Quoi qu’il en soit, les acteurs, servis par un texte souvent savoureux, sont la véritable substance de Snatch, parodie de film noir desservie par une réalisation m’as-tu-vu, et une volonté un peu trop affirmée de la part de Guy Ritchie de « signer » son film à chaque plan -alors qu’il aurait dû se contenter d’en signer les dialogues. Le sens de la repartie et celui de la mise en scène sont en effet deux choses bien différentes. Dans Snatch, pour un bon mot à l’anglaise, la tirade caustique d’un caïd sanguinaire (excellent Adam Fogerty), ou un vrai numéro d’acteur (Vinnie Jones), il vous faut supporter toute une camelote d’effets dont l’unique fonction doit être de donner au réalisateur et à son équipe le sentiment de bel et bien faire du cinéma. Arrêts sur image, zooms survoltés, mouvements de caméra « speedés » et « boostés » par une bande-son fatigante, etc. Ce véritable saccage, au lieu de donner une âme et un surcroît d’originalité au film, le laisse rapidement exsangue. Guy Ritchie, visiblement très imbu de ses propres inventions, devrait se soucier de ne pas griller trop vite toutes ses cartouches. Dommage, car des apparitions de qualité et de bonnes scènes surnagent de cette agitation désordonnée.