Le nouveau film de De Palma est magnifique car il relève encore et toujours du défi formel. Le réalisateur nous immerge dans l’intensité et le pouvoir du regard grâce à ses thèmes de prédilection qu’il porte ici à son apogée : le voyeurisme qui rend le spectateur complice et la manipulation qui anticipe nos réactions vis à vis du film et de l’histoire traitée.
Rick Santoro (Nicolas Cage), un inspecteur de police ringard et corrompu sur les bords, assiste à un match de boxe en présence du Secrétaire d’Etat à la Défense pour lequel le Commandant de Marine, Kevin Dunne (Gary Sinise), son meilleur ami, assure la sécurité. Cependant, en plein match de boxe, des coups de feu retentissent sur la personnalité politique. Rick Santoro, témoin de l’attentat comme les 14000 spectateurs présents, se chargera de l’affaire…
De Palma, ce n’est pas nouveau, conçoit le temps et l’espace de façon très personnelle. Le temps, c’est la durée euphorisante d’un quasi plan séquence de 20 minutes tourné en steadycam, sur lequel le film va revenir sans cesse à travers des points de vue multiples et des images d’écrans vidéos. L’espace, c’est celui d’un ring de boxe où tous les points de vue convergent. L’action quant à elle n’est pas dans le sujet du film -qui est ici un prétexte comme le récit l’est pour les films de Dario Argento-, mais dans les mouvements de caméra.
Finalement, De Palma analyse le monde que la caméra était censée simplement capter. La caméra du réalisateur représente à la fois la pluralité de notre regard et le substitut d’un pinceau simulant l’espace en nous impliquant dans une continuelle profondeur de champ englobant l’avant et l’arrière plan. La démesure de la forme, le travelling, le ralenti ont une durée plutôt longue dans Snake eyes par rapport à leurs utilisations dans d’autres films. De Palma dilate un instant important au maximum afin d’en explorer toutes les ressources plastiques et émotionnelles. La musique s’allonge, la scène s’étire : le spectateur, lui, jubile.
En transes et l’oeil à la fois comblé et épuisé de ne pas avoir pu se fermer pendant un instant… L’intérêt du film ne réside pourtant pas dans l’impact visuel et narratif de certaines scènes, mais sur la manière de les introduire et de les disséquer. C’est en cela que De Palma innove et surprend. Le voyeurisme n’est plus un court instant mais un long moment dans l’intervalle duquel il se passe beaucoup de choses que je me retiens inhumainement de vous raconter tellement mon appel à vous conseiller de voir ce film est immense et passionné.