Smoking room ne ressemble à rien, parfois c’est une qualité parfois non, là pas du tout. Vraiment. D’ailleurs on comprend mal la sortie de ce non film non réalisé en 2002 par une paire de gros malins au prétexte de saisir d’un coup les maux de nos sociétés modernes, travailleuses, stressées. Sans doute la mini moisson de sous-récompenses obtenues par le film dans des quelques foires au boudin d’arrière-pays y est-elle pour quelque chose. Enfin voilà, Smoking room se déroule dans la chaude ambiance des bureaux de la succursale espagnole d’une grande firme américaine. Une nouvelle directive impose aux employés de fumer à l’extérieur du bâtiment. L’un des comptables se révolte, dit no, niet, nein, et réclame qu’un cagibi désaffecté soit recyclé en fumoir. Fait la tournée des fumeurs, demande à chacun d’apposer sa signature au bas d’une pétition rédigée par ses soins. Récolte cinq autographes, mais se heurte au dégonflage en règle de ses collègues. La tension monte. Coulées de sueur sur les joues des cadres.

Ce pitch n’est pas pire qu’un autre. Mais ne vaut pas tripette une fois exécuté à la truelle par une mise en scène d’apocalypse, enfilade atroce de gros plans barbouillés à la DV de chez Carrouf + défilé de cravates moches et de bureaux marrons-gris où les comptables comptent et les directeurs dirigent, mais tout ça au crayon de bois et à coups de téléphones derrickiens (parce que c’est une analyse de la société contemporaine, mais aussi une histoire universelle de l’aliénation, aaah). Sa laideur absolue, le film en fait un argument de vente, drapé qu’il est dans la posture arty-intelligente du dispositif moderne (non narration, mais puzzle de scènes dialogués à deux ou trois, interminables). Mais Smoking room, c’est Caméra café (ou Espace détente) réalisé avec des gros doigts, un pilote pour sitcom de bureaux irréalisable, un gringalet cul-de-jatte qui joue avec des ballons pour lui gros comme des montgolfières (le monde impitoyables de l’entreprise, la misère des cadres, l’angoisse du moderne qui rend fou). Tout ému de ses effets gériatriques, beau comme les papiers-peints à losange de l’ère pompidolienne, chiant comme un match du ventre mou de la CFA, le film fonctionne comme un BTS force de vente d’un cinéma ringardissimo à la première image, en retard sur tout et qui, gros ballot, se rêve à la pointe de la modernité. Triste.