Il faut avouer qu’une grande partie de Simon le mage est incompréhensible. Il y a comme un sadisme récurrent chez les cinéastes des pays de l’Est immigrés à Paris qui consiste à filmer ce que les autres dédaignent, à faire de l’humour cynique sur leur rapport à l’argent et leur complexe de persécution, et à déconstruire une histoire pour viser la poésie la plus abstraite. La Hongroise Ildikó Enyedi ne déroge pas à la règle. Simon le Mage est ainsi souvent beau -la musique de Belà Bartok ou de Beethoven confère notamment à certaines scènes une ambiance élégiaque-, même si son fond demeure des plus nébuleux.
Le mage des temps modernes dont il est question dans le titre est un voyant hongrois qui apaise les tensions entre les hommes. Un jour, il est appelé pour résoudre un meurtre dont on ne saura rien. Dixit le dossier de presse, il serait la métaphore d’un moine gnostique issu d’une légende de la Bible, sans que l’on sache si la France symboliserait alors la Rome décadente. Le film n’en dit pas plus et mise sur un new-age énervant : expériences mystiques simulées sur ordinateur ou le trip « retour à la terre », mais au pied de l’Arche de la Défense. Physiquement et pour le mutisme, Simon est un croisement entre Bernard Fresson et Jean Yanne ; moralement, un ovni. Il semble amoureux d’une Française, Jeanne, sans que cette relation ne le fasse vraiment redescendre de ses limbes. Jeanne, elle, est une craquante jeune Parisienne, interprétée par Julie Delarme. Elle se heurte à ce bloc d’étrangeté. On la sent amoureuse pour la première fois, sa gaucherie est adorable. Elle le déstabilise. On chavire. Seulement Ildikó Enyedi ne nous offrira que quelques bribes de ces magnifiques rencontres, cet amour infini, au-delà des frontières et du réel, cette beauté naturelle et toute simple. Leur confrontation est pourtant le vrai sujet du film, une métaphore de la position du spectateur face à un objet déroutant, du Français devant l’étranger, une idée qui se suffisait à elle-même.
Le reste paraît, en comparaison, bien fabriqué, d’autant que des absurdités typiques de l’humour pays de l’Est écartèlent encore plus le film. A l’instar des films de Iossellani, Simon le mage fourmille de moments fantasques, mais on ne sait plus à quel degré prendre les scènes. Qui sait, la si touchante Jeanne est peut être une caricature de Parisienne très drôle pour des Hongrois, et il se peut que voir Simon compter des liasses de billets devant le préfet de Paris qui l’invite en grande pompe ne fasse rire que nous…