Des plans fixes attrapant au loin une moisson, la vie qui s’écoule inutilement dans un trou perdu de l’Amérique, des types travaillant torse nu dans une ferme piscicole, un air du Sud : on reconnaît sans peine une commune affection pour ce genre de paysage entre Jeff Nichols et un autre jeune cinéaste américain du terroir, David Gordon Green. Pas étonnant, alors, de retrouver le nom de ce dernier au générique de Shotgun stories : Gordon Green en est l’un des producteurs. Une Amérique au sud, donc, est le cadre d’un drame shakespearien-rednecks : à l’enterrement de leur père qui les a abandonné pour fonder une autre famille, funérailles où l’on célèbre un chrétien born-again modèle, les trois frères Hayes aux noms génériques – Son, Boy et Kid – viennent semer la discorde. Son crache sur le cercueil, sous l’oeil mauvais d’une autre fratrie Hayes, leurs demi-frères, qui réclament vengeance. S’ensuit une escalade de la violence entre Montaigu & Capulet culs-terreux.

La première partie du film est assez réussie. Entre chromos du Sud (ça passe) et description du fonctionnement d’une fratrie tournant au ralenti. La suite, moins : la montée programmatique de la haine et des coups n’a d’autre secret à livrer que sa propre nécessité, réduisant ses possibles à mesure que les points de non-retour sont franchis. Reste un film à l’architecture et aux intentions simples comme bonjour, qui s’en tient à cela et avec raison. Shotgun stories doit aussi beaucoup, énormément, à son acteur, Michael Shannon. Ahurissant en taré dans le Bug de Friedkin, surréaliste en djihadiste déglingos dans le World trade center d’Oliver Stone, aperçu ici et là (dans le 7h58 ce samedi-là de Sydney Lumet), cette sorte de Jude Law reptilien et renfrogné, infiniment plus énigmatique, fait jouer ici à merveille son charisme filandreux, avec le magnétisme d’un aristocrate irlandais du XIXe réincarné en paysan maigrichon et pas net. En janvier 2008, l’acteur de l’année 2007 est déjà prêt à défendre sa couronne.