Secret défense souffre d’un mal qui est celui de tout un pan de notre cinéma de genre. Voilà un projet courageux, une envie de thriller populaire et ambitieux qui se ratatine tranquillement faute de vraisemblance. C’est moins le fond, apparemment bien documenté, que la forme même qui est en cause. Cette propension de nos cinéastes à s’embourber dans l’imitation pâteuse du réel, à singer ses signes de loin. A faire semblant. Tout Secret défense fonctionne ainsi, prend des airs frontaux mais reste légèrement à distance, récite scolairement sa leçon mais refuse d’aller au tableau, pas parce qu’il ne veut pas, juste parce qu’il ne peut pas. Comme s’il manquait un coup d’embrayage entre ce cinéma et ses envies de réel. Pourtant, tout était là : une plongée dans les arcanes de la DGSE, une jeune recrue qui découvre l’envers du décor, une opération terroriste, un gaz létal, des infos, de l’intox… Avec un tel matériau, Philippe Haïm pouvait rêver d’un mix entre 24 et Mensonges d’état. Il ne dépassera pas l’horizon du téléfilm friqué.

Tout le drame du film se joue durant la phase d’entraînement. Pour échapper à ses instructeurs, Vahina Giocante se déguise en camée en deux plans trois mouvements. Une séquence d’action théoriquement spectaculaire mais d’un grotesque consommé, plus proche des clowneries transformistes d’Arturo Brachetti que d’une mission d’agent secret. Idéal pour détraquer la machine et faire s’effondrer la clé de voûte du genre : la suspension d’incrédulité. Sans elle, rien ne passe, ni réel, ni mythe, ni pulsation. Et c’est tout le reste qui paraît factice. Comme Les Chevaliers du ciel et ses pilotes fantoches, Secret défense se substitue tout du long à son emballage, suppose qu’un style ad hoc (caméra portée ici), de bonnes volontés (indéniables) et un peu de jargon (Antoine Sfeir en guest-star) suffisent à la fiction. Comment s’étonner, ensuite, de cette structure qui s’effiloche (l’épilogue, aïe), de ces acteurs qui surjouent (Lanvin, inénarrable), de cette caractérisation qui claudique ? L’échec de Secret défense se joue sur ce genre de petits détails : à force de se tenir légèrement à côté de lui-même, le film ne suscite qu’une indifférence polie, presque gênée. Haïm réussit bien son climax final, parvient, in extremis, à créer un semblant de fiction, mais c’est déjà trop tard pour nous : on n’y a pas cru une seule seconde.