Deuxième long métrage de Rafi Pitts après Cinquième saison (1997), Sanam sort sur les écrans français précédé d’une très bonne rumeur notamment due à l’obtention du Grand Prix au Festival de Paris 2001. Rumeur justifiée après la vision du film dont la mise en scène précise et rigoureuse révèle un cinéaste à surveiller de près.
Dans la lignée du cinéma d’auteur iranien, Sanam ne déroge pas à l’esthétique qui a façonné le succès cinéphilique de celui-ci à travers le monde. On retrouve chez Rafi Pitts ce même penchant pour les récits concis et cette même confiance dans les puissances de l’image. La force du film vient en effet en grande partie de la manière dont le réalisateur agence son histoire qui ne nous est pas donnée pré-mâchée comme dans une bonne partie du cinéma commercial. Les nombreuses ellipses et le recours minimal au dialogue laissent planer un entêtant mystère sur la finalité de chaque action à l’écran. Récit d’apprentissage malheureux, compte-rendu social sur la condition de la femme en Iran, tragédie familiale inéluctable sont les nombreuses suggestions de lecture proposées par le long métrage de Rafi Pitts. On gardera surtout en mémoire le choc d’un petit garçon qui assiste par hasard à la mort de son père et ne s’en remet pas. La scène, filmée de loin sans gros plans ni musique, résume la démarche du cinéaste qui espère émouvoir le spectateur sans pour autant céder aux sirènes d’une œuvre qui forcerait l’empathie.
Rafi Pitts se garde donc de tout pathos à l’égard du drame que vivent ses personnages et préfère laisser le montage ou les bruits de la bande son traduire leur désarroi. L’émotion naît alors des fragments d’une réalisation calculée avec soin, peut-être un peu trop. Sanam laisse ainsi peu de place à l’imprévu tant son déroulement semble être réglé au détail près. Un systématisme formel qui cloisonne le récit et le confine parfois dans une symbolique qu’on aurait aimé moins rigide. Il est vrai aussi que la beauté plastique du film doit beaucoup à la cinégénie des paysages iraniens capables par leur seule présence de magnifier n’importe quel plan. Et l’on ne criera donc pas au chef d’oeuvre même si le charme de Sanam s’avère plutôt tenace.