Rogue : l’ultime affrontement rappelle les belles heures de la série B à la Van Damme / Steven Seagal. Sauf que les deux bonshommes ne sont pas réquisitionnés ici, ce qui est pour le moins préjudiciable : perte de distance nanardiniesque, sus au relâchement truculent de l’action man en plastoque, la jouissance enfantine du coup de poing dans la gueule perd en intensité. Là n’est d’ailleurs pas vraiment le propos du réalisateur Philip Atwell, soucieux de la jouer grave sérieux, Melville-like avec un soupçon de BD de superette. Jason Statham et sa tronche de hooligan mal dégelé est un peu la clé de l’échec du film : le magnétisme viril et l’impassibilité péquenaude, ce n’est pas tout à fait la même chose.

Le pitch : alors que Jason amenait bière et merguez pour un barbecue mêlant famille et collègue, il trouve porte calcinée et famille co-équipière carbonisée à la place des chipos. C’est l’oeuvre de Rogue (Jet Li), sinistre mercenaire à la solde des yakuzas et des triades chinoises, lesquelles se vouent une guerre sans merci. On navigue donc du gentil au méchant jusqu’à l’affrontement final, pardon, l’ultime affrontement. Dans cet incessant zapping, la partie Jet Li est évidemment la meilleure. Le scénario siphonne Pour une poignée de dollars (lui-même remake du Yojimbo de Kurosawa) avec la star de Hong-Kong à la place de Clint Eastwood, dans un rôle de spectateur sadico-passif bien senti. Jet Li, c’est autre chose que Jason Statham : regard de lynx, silhouette enfantine, mouvements fluides et gracieux, en voilà une présence que la quarantaine n’amoindrit pas le moins du monde. Li a sans conteste le visage le plus intéressant du cinéma d’action actuel : poupon et crevassé à la fois, il évoque autant le cartoon que la rugosité Leonienne.

Dommage que le film soit aussi débile, à l’image de la production extra-asiatique de l’ami Jet : grassouillet, rouleur de mécanique, sans saveur avec un sens du pittoresque digne d’un mauvais parc d’attractions. Triste parce que l’acteur y est particulièrement tronqué, voire méprisé, réduit à un pur contorsionniste de foire, sommé de devenir son propre ersatz pour l’Occident. Là réside le paradoxe Jet Li : considéré en tête de gondole de vidéoclub pour son seul kung-fu, et pourtant dépourvu de grossièreté, de stupidité et même d’humour. A quand un vrai cinéaste américain qui saurait véritablement exploiter tout le potentiel du personnage ?