« Le nouveau phénomène aux States qui va tout casser », voici comment se vend Rize, documentaire déclinable en CD et posters du photographe David LaChapelle. Voila aussi comment il se filme, comme un gros scoop d’attaché de presse dégoulinant de chic et d’évanescence marketing, et cela malgré son décorum de jungle urbaine, ses cailleras made in L.A. et ses envolées mouillées de larmes Unicef sur l’humanité de ceux qui n’ont rien. Tel est David LaChapelle, un conformiste qui se voudrait rebelle mais qui shoote Britney Spears ou J-Lo, un dandy trop carriériste pour prétendre réellement à l’élégance, trop dispersé pour nous convaincre de son humilité rose fluo. Tel est Rize, chose hybride entre Wiseman et Ca se discute navigant entre le sursignifiant et l’expérimental. De ce conglomérat de points de vue et d’enjeux ne surnagent finalement que deux choses : la pose chic d’avoir découvert une nouvelle danse, la pose choc d’avoir eu le cran de descendre dans le ghetto de Los Angeles.

On y trouve Tommy le Clown, ancien dealer devenu éducateur déguisé en Ronald MacDonald, mais surtout, grâce à Jesus, l’inventeur du Clown, variante sur-syncopée du smurf dont il a entiché tous les gamins du quartier qui par la même évitent la taule et libèrent leur rage en énergie positive. Clown grâce à une poignée d’apôtres est devenu Krump, mutation plus sexuée et tout aussi frénétique. Une rythmique en chasse une autre, de même pour les plans du film, soumis à un zapping particulièrement paresseux. L’avertissement en pré-générique de l’absence de trucages concernant la vitesse des danseurs promettait pourtant autre chose, un cinéma vérité tendu par une force visuelle sèche, une malice doublée d’envoûtement graphique, au pire, vu la signature, un assemblage stylé. Mais non, l’enregistrement pur ne tient pas une seconde pour LaChapelle, bon cadreur sans plus, maniériste flapi, surtout piètre conteur. A l’image de Tommy le Clown, premier rôle bizarre, qui parle plus qu’il ne danse, ne se raconte pas hormis le minimum syndical, réduit à son costume de scène, son oeuvre ou ses larmes, lorsque martyr haut en couleurs, il se fait cambrioler en pleine grand-messe de Krump.

La B.O. brouille aussi les pistes, entre hip-hop des origines pour nourrir le fan, gospels fastoches pour faire venir les autres, petit bout de la lorgnette show-biz, entre consensus orgueilleux (attention lyrisme) et clichés primaires où Noirs en deuil = oh happy day. Sacré mélange qui s’accroche aux images comme une motion de défiance, d’où un didactisme scolaire presque insultant d’empathie larmoyante (les confessions des jeunes, filmés comme de parfaits boy-scouts), réduisant du coup les effets de style (ralentis, filtre) à une ponctuation étriquée. Même le doute plane sur le quartier dont la mis en scène ausculte la violence de façon plutôt louche, parvenant à force de huis clos à évider de sens l’affrontement racial d’images aussi mythiques que les émeutes des Black Panters ou l’affaire Rodney King. Pour Rize, il n’y a qu’une violence, issue d’un seul canal, les gangs, que chaque habitant -noir- d’un lieu sans cesse taxé de « coupe-gorge » est susceptible d’intégrer. Habitants d’ailleurs unis, krumpeurs comme gangsters, par une sauvagerie commune même si différemment exprimée -c’est le film qui le dit à chaque plan. Pas un mot en revanche sur le racisme ni sur la violence policière. Pour une oeuvre aussi pédago, c’est une performance notoire.