A partir d’une nouvelle de Matheson (déjà adaptée dans un épisode de la Twilight zone), Real steel imagine un futur proche où les combats de robots ont remplacé toute forme de divertissement de masse. Son personnage principal, ancienne gloire de la boxe (Hugh Jackman, pour une fois très bon), s’est reconverti en pilote de mecha de combat et gagne sa vie entre escroqueries et combats clandestins. L’arrivée de son fils, qu’il n’a jamais connu, à la mort de la mère, remet le vieux champion en selle, via un tas de ferraille qu’il va préparer au ring.

De l’oeuvre de Matheson ne restent finalement que les machines et la relation père-fils conflictuelle. Ses métaphores sociales (les pilotes de robots comme nouveaux prolétaires) ou son esprit punk garage (on ne fume pas, on mâche des brindilles) ont été soigneusement gommés pour les besoins d’une production Disney. Réalisé par le yes man Shawn Levy, Real steel a tout d’une bluette futuriste, à l’emballage propret et bien-pensant, option rédemption de père indigne. Mais, produit par la paire Zemeckis / Spielberg, le film se dévoile contre toute attente comme modèle de subtilité, avec son alliage inédit entre schémas vidéoludiques et mythologie de la filiation père/fils. Première bonne idée : imaginer un monde où le jeu vidéo s’est réincarné sous la forme de tas de ferraille vintage, contrôlés par des manettes télécommandées (au design très eighties). Reprenant fidèlement la structure d’un beat’em-all, Real steel fait de chaque match un palier de progression, un seuil d’expérience alternative.

La coopération Zemeckis / Spielberg – véritables maîtres d’œuvres tirant les ficelles – n’a rien d’un hasard. En plus de ranimer, au même titre que Super 8 ou le prochain Tintin, une nostalgie pour le divertissement des années 80, elle trouve dans cette trame picaresque un canevas idéal à ses marottes respectives. Zemeckis, pour cette reproduction de la culture pop, et de ses codes (ici ceux du jeu vidéo) singés par la gestuelle des robots, qui n’est pas sans rappeler ses précédentes expérimentations en Motion Capture (voire les toons de Roger Rabbit). Spielberg, pour cette relation père / fils, vue à la fois comme antagonisme (divorce entre deux générations) et miroir de complémentarité. L’idée de lier la mimétique vidéoludique et la transmission paternelle, casse-gueule comme jamais, trouve un équilibre idéal, en la « personne » du robot, remarquable reflet comportemental des deux personnages. Dans ce monde futuriste, le jeu vidéo ne semble plus avoir besoin d’écran, il est devenu l’écran entre un père et un fils, et la manette de leur relation. D’une maturité inattendue sur les éternelles questions de transmission familiale, Real steel prend aussi, dans un final de haute volée, une tangente inespérée vers le film de boxe, modèle Rocky Balboa.

Comme chez Stallone, qui reprenait déjà cette idée de jeu virtuel comme miroir fantasmé du dépassement de soi, la victoire n’est plus sur un ring, mais en dehors, lorsque le geste paternel rejoint celui du robot, et la stature familiale celle des jouets-héros pour gosse. D’abord conçue sur le mode du conflit (le vieux con vs. le jeune loup), la passation générationnelle et l’entrée en âge adulte deviennent alors alchimie ludique entre deux personnages. Quoi de plus naïf, mais aussi de plus moderne, à une époque où la Wii et le Kinect ont transformé l’interactivité et notre rapport à l’altérité dans le jeu vidéo ? Certes, un tel sujet aurait pu faire le chef d’oeuvre d’un réalisateur plus féroce (rêvons d’un numéro 2 réalisé par Joe Dante). Mais sa vision, à la fois légère et subtile, sur la puissance du 10e Art, dépasse de loin tous les laïus théoriques sur le sujet.