Gore Verbinski est un réalisateur flou. Pour s’en convaincre, il suffit d’énumérer sa filmo dans l’ordre chronologique : La Souris, un Tom & Jerry live (où deux comiques pourchassent donc une souris), Le Mexicain, buddy movie de luxe avec Brad Pitt et Julia Roberts (moqué à l’époque), Le Cercle, remake de Ring, les quatre Pirates des Caraïbes entrecoupé d’un Nicolas Cage movie vaguement apprécié (Weather man). Une oeuvre construite sur l’autel du marketing et de franchises juteuses dont Verbinski n’est pas l’auteur, dont les films qui la constituent, tous jetables, s’effacent dès que le suivant sort en salles. Le cataloguer faiseur serait bien trop réducteur. Son incroyable fiabilité économique en fait plutôt un homme à part, entre deux lignes, chaînon manquant entre un bon yes man et un wonderboy à la Spielberg. Qu’il se frotte au cinéma d’animation pur, un défi récemment réservé aux grandes signatures hollywoodiennes du moment (Burton, Anderson, et bientôt Fincher), est d’ailleurs le signe de son prestige. Ceci posé, le résultat laisse planer la même incertitude, tant Rango est un film contradictoire, paradoxal, bâtard, assez beau mais un peu creux, il faut bien le dire.

Rango est un lézard de dessins animé comme les studios Dreamworks auraient pu l’imaginer. Il a la voix et les expressions d’une superstar (Johnny Depp), porte une chemise hawaïenne et déblatère tout seul dans son bocal (c’est un lézard domestique) à la manière d’un acteur shakespearien au chômage. Par un coup du sort, il retrouve sa liberté dans un désert aride où une petite ville de rongeurs en proie à la sécheresse l’accueille en justicier sauveur. Ambiance western-spaghetti : saloon, mini-colts et sombreros maniés par les bestioles, duels sous le cagnard filmés entre les pattes, idole messianique qui a la carrure, le poncho et la voix de Clint Eastwood – pour le coup, le film ne fait pas de mystère, suivant la ligne claire et fastoche de l’hommage et de la parodie, mais non sans style et savoir-faire. Mais pour quel motif ? Hormis quelques tartes à la crème existentielles (l’union fait la force…), Verbinski sèche un peu. Pas de réelle tension : le film est trop ironique pour croire à sa propre histoire, l’action s’en tient à un simple spectacle visuel – de grandes fresques, quelques jolis cadrages, avec musique tonitruante en plans panoramique, on est finalement plus à Broadway que chez Sergio Leone. Pas de sentiments ou presque : il y a plus d’archétypes que de personnages, celui de Rango les jouant d’ailleurs tous successivement – le lézard change d’accoutrements, et passe en une seconde de margoulin à héros national. On reconnaît Johnny Depp, évidemment, à chaque plan, la star cannibalisant à peu près tout ce qui l’entoure. En fait c’était cela le but du jeu, sans doute le seul. Offrir un film à Johnny Depp, lui rendre un hommage et le mettre en abyme en donnant vie à une formule toute faite : acteur caméléon.