Règlements de comptes en famille, le temps d’un week-end de mariage. Une fille à problèmes de retour de réhab, la mariée (sa sœur équilibrée, psychologue), un enfant disparu, des parents divorcés. Dans ce bidule qui appartient à un sous-genre bien identifié (le psychodrame de mariage), et qui s’acharne à faire indé partout (caméra tremblée + Tunde Adebimpe, le chanteur de TV on the Radio, casté dans le rôle du fiancé), tout le monde s’aime, et pourtant tout le monde se fait du mal. Il n’est pas impossible qu’ici ou là soit tentée une aventureuse référence à Bergman par exemple, pour saluer dans le film de Demme cette manière de faire ressurgir par frottement entre des personnages un matériau de fiction sur lequel aiguiser la capacité de chacun à lire entre les lignes, à déceler des fractures, à faire son psy. D’autres, et nous en sommes, n’y verront que du flan. Car Rachel se marie pourrait être déchirant, mais au contraire il est terriblement agaçant. Pourquoi ?

Dans un environnement obamien en diable (une micro-société post-raciale), qui croule sous un universalisme culturel obèse – les instruments de musique de tous les pays qui s’accumulent dans le décor ; la tracklist de la wedding-party qui, du hip-hop à l’opéra chinois en passant par la bourrée auvergnate, passe en revue tous les styles possibles – Demme organise un arrière-plan réaliste, documentaire, qu’il fait mousser, qu’il pousse à fond. Derrière les protagonistes, qui ne servent que d’amorces, s’agite une petite foule très occupée : il y a par exemple ces musiciens (la famille, on l’aura compris, est versée dans la chose musicale) toujours requis par un bœuf improvisé, très sympa, et qui se trouvent toujours, comme par magie, à jouer au fond du plan, derrière la scène du drame, jusqu’à ce qu’enfin quelqu’un leur demande de se taire. Il y a aussi tous ces personnages secondaires, surnageant dans cette purée comme autant de grumeaux : chacun est très gentil, chacun ferme la porte quand une dispute se profile, chacun réconforte.

Demme est si putassier dans sa façon de touiller la crème psychodramatique que le film ne s’éloigne jamais d’une logique compassionnelle qui lui colle aux doigts et qu’il feint de mettre à distance. Aussi les ruptures qui interviennent parfois dans les scènes paraissent subtiles (exemple : en pleine dispute entre les deux sœurs, la sœur pas folle annonce brutalement une heureuse nouvelle, et passé l’effet de surprise, la sœur folle exige de reprendre le combat) mais ne sont que planifiées, rendues possibles par ce jeu entre le devant de la scène et l’arrière-plan, qui autorise avec roublardise toute forme de coulissement et interdit toute autre sensation que celle d’assister à un psy-show réglé comme du papier à musique, gagnant à tous les coups. Aucune aspérité, aucun dérèglement ou accident dans une histoire qui prétend ne parler que de ça, aucune surprise qui ne soit déjà prévue. Un film et des personnages si aimables que très vite on ne les aime pas : tous faux, tous calculés, personnages de scénario, film de papier.