Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que passe l’effet paillettes Harry, un ami qui vous veut du bien, sympathique thriller des bacs à sable qu’on avait à l’époque voulu faire passer pour un grand film post-Hitchcockien. Une petite cacahouète oubliée sitôt que croquée. Mais voilà que nous arrive aujourd’hui Qui a tué Bambi ?, reprenant un a un les effets de manche de l’autre : même équipe qui gagne pour le même pathétique effet-Cannes (le scénariste de Harry réalise, sous le patronage de Moll), même titre démagogique en forme de gros clin d’oeil à Hitchcock, même galerie complaisante de personnages immédiatement accessibles, même intrigue cousue de fil blanc qui repose sur une multitude de pirouettes scénaristiques en toc.

Beaucoup moins sympathique néanmoins est ce deuxième volet des aventures de M&M’s (Marchand / Moll). L’histoire en milieu hospitalier (un chirurgien viole ses patientes après les avoir anesthésiées, heureusement Bambi, une jeune infirmière, se lance à ses trousses) avait de quoi séduire. Bien vite pourtant, l’enjeu « filmer la province » dépasse tout ambition de cinéma. Filmer la campagne tourangelle, ici, se résume souvent à réaliser des scènes absolument inutiles du type belles images de forêt ou intervention de secours en pleine brousse (5 minutes en plan fixe sur les sapeurs pompiers du coin en action). Dans le genre offrir un nouveau cadre au polar naturaliste français, Petites coupures de Bonitzer était autrement plus intrigant. Pris dans son élan, Marchand utilise aussi une large gamme de mouvements d’appareils sophistiqués pour feindre l’effet-grand cinéma. Une structure archi-plate vient heureusement mettre les choses à leur place. Les jolis plans, engloutis dans un mouvement d’ensemble à l’académisme souffreteux, bancal et boiteux, n’arrivent pas à la cheville d’un bon Columbo. En outre, pour les truquages, le chef-opérateur a eu l’idée géniale de réaliser plusieurs décors identiques mais de tailles différentes, créant ainsi un effet d’inquiétante étrangeté. Attention clin d’oeil. Remember La Maison du Docteur Edwards. Marchand, c’est Hitchcock.

Restent les acteurs, plutôt bons malgré l’aspect « on y croit » (Laurent Lucas, Sophie Quinton) mais qui ne parviennent pas, comme c’était le cas dans Harry, à endiguer la léthargie de l’ensemble. Entre mise en scène anesthésiante d’un scénario pataud comme pas deux (n’importe quel giallo italien de seconde catégorie semble un exercice de haute-voltige à côté de ce ramassis d’oppositions fantasme / réalité) et sérieux à toute épreuve (dans chaque plan semble contenue l’idée que Marchand croit réaliser là le premier polar de l’histoire du cinéma), Qui a tué Bambi ? est un film-paquet cadeau qui dissimule un obscur bidule, venu d’on ne sait où. Mélange de multiples genres mal absorbés (thriller, fantastique, conte de fées, documentaire provincial), esbroufe maladroite, travail d’élève laborieux et appliqué : rien de plus, au fond, qu’un gros téléfilm vaniteux et bouffi. Bambi (pardon pour lui), ce n’est pas Sophie Quinton, trop assurée et consciente de sa performance sous des dehors fragiles et innocents. C’est Marchand, le cinéaste qui croyait qu’il en savait trop, et surtout Moll, le scénariste saboteur de l’idée même de cinéma de genre : deux mauvais faiseurs tellement sûrs d’eux-mêmes et de leur petit effet qu’il n’en tiennent plus sur leurs pattes.