Au commencement était un baiser totalement organique. C’est-à-dire bouche contre bouche, une lèvre touchant mollement une autre lèvre, avec par-dessus, le son spongieux de la salive. Comment se remettre de cette première image ? Impossible. Le manque de passion est là dés la première seconde dans Quelque chose d’organique, premier film de Bertrand Bonello, français exilé au Canada depuis 7 ans et auteur de trois courts métrages.
Un homme d’une trentaine d’années, Paul a épousé Marguerite. D’un précédent mariage, il a eu un fils, Léo, gravement malade. Depuis la mort de sa femme, le père de Paul vit dans sa maison. Paul est gardien de nuit dans un zoo, Marguerite, le père et Léo ne font rien, ou si peu. Bertrand Bonello nous présente un film triste aux images grises et dont la trame narrative comporte presque exclusivement des non-moments. Un véritable écho à l’état de Marguerite qui dit en voix off : « Paul pensait que je m’ennuyais. Tout simplement, je n’ai pas besoin d’être divertie ».
Les acteurs principaux réussissent à s’insérer de façon inégale dans ce très lâche canevas. Si Romane Bohringer est pitoyable de langueur surjouant du début à la fin son état de passivité, Laurent Lucas parvient, lui, à donner à son personnage une lenteur relativement crédible quand une malheureuse voix off sur signifiante ne vient pas gâcher tous ses efforts. Alors que Paul se masse la cheville, le réalisateur nous gratifie en effet d’un très à propos : « je me suis probablement foulé la cheville… ». Et des séquences exaspérantes à ce point, dans Quelque chose d’organique, il y en a des tas !
Alors que conserver de ce film ? Une séquence vaut le coup, celle où les voix, toutes les voix, internes et externes, se taisent pour laisser parler les regards et les mains. Vers la fin du film Marguerite est seule dans un bar, seule à sa table aussi, mais pas très longtemps car, naturellement, les hommes arrivent comme des mouches. Et sans un mot les gestes s’enchaînent, une bière, une cigarette, du feu puis une autre bière. La scène suivante ne tient pas la route et retombe dans le surfait, le maniérisme. Un film pour une scène…. Faible rentabilité tout de même…