D’un scénario très sombre (Raphaël découvre que sa femme Margot, une danseuse étoile, est atteinte d’un mal incurable), Quand je vois le soleil tire un étrange canevas fait de scènes crues et brutales (le mal filmé au plus près) et d’envolées arty et vagabondes (les scènes de danse de Margot et les errances nocturnes de Raphaël, filmées sur un mode expérimental plus ou moins réussi). Deux mouvements s’opposent donc, entre la chute de Margot, irradiée par l’interprétation souvent juste et bouleversante de Marie-Claude Pietragalla, et la survie téléguidée de Raphaël (Florent Pagny), qui tente de brûler son amour en baisouillant à tout va tel un animal fébrile et détraqué.

Le film passe à côté de son sujet en évacuant son principal problème (comment préserver l’intimité physique des deux amants condamnés) au profit des fuites totalement invraisemblables de son héros, que l’on voudrait nous présenter comme un oiseau en perdition (je baise donc je suis), et qui n’apparaît finalement que comme une sorte de gai luron en forme de gros lapin lâche et compulsif (je suis donc je baise), antipathique au possible. Plus que des maladresses du réalisateur, qui sont le signe d’une évidente pudeur (voir le personnage de François Cluzet, le plus beau et le plus en retrait du film), c’est évidemment au jeu de Florent Pagny que le film doit de sombrer pour de bon.

Florent, donc : pantalon de cuir, brushing doré de baladin pataud, et toujours cet imperturbable petit air bon con bon oeil qui a le chic pour transformer la moindre scène « clé » (Florent pleure : trois heures au moins de labeur et de concentration s’impriment sur l’écran) en grand moment de ridicule et de forçage émotionnel bidon. A côté de lui, Marie-Claude Pietragalla apparaît comme un ange éthéré, et ce malgré des scènes souvent superflues (les séquences vidéo qui reviennent lourdement toutes les dix minutes) et d’autres à la frontalité blafarde et outrageante (dans la salle de bain, face à la glace, dans un bad trip Asia Argentinesque). Pour une erreur, effet de merchandising foireux ou simple inconscience du cinéaste, Quand je vois le soleil atteint un fond qu’il ne méritait sûrement pas.