En projet depuis des lustres, voici enfin la version américaine de Kaïro. D’abord confié à Wes Craven encore crédité au scénario, Pulse a ensuite été remanié par les frères Weinstein, dont la déconfiture actuelle se confirme parfaitement ici. Pulse est en effet moins raté qu’entièrement désossé. La franchise de Kurosawa persiste, mais trouée par des aménagements de producteurs obsédés par le retour sur investissement. D’où la sensation d’un recopiage bancal auquel on greffe quelques motifs plus racoleurs, du grand guignol de fantômes meuglant à une simplification extrême du message originel érigée en thèse. « Ne restez plus seul », c’était l’accroche de l’affiche japonaise qu’on pourrait tout à fait remplacer ici par « n’allez pas sur Internet » ou « balancez vos portables à la poubelle ». L’ouverture du film, focus ridicule sur l’addiction des étudiants aux nouvelles technologies, ne promet pas autre chose qu’une banale série B. Les fantômes du Net s’incrustent au campus et le déciment petit à petit. D’accord.

Cependant, le plus pénible reste ce lien malade au film de Kurosawa. Entre quelques intermèdes bavards, Pulse case deux ou trois séquences troublantes de fidélité : le suicide d’une étudiante du haut d’un château d’eau, le crash d’un avion, etc. Troublantes, vraiment ? Non, car ce dispositif relève de la formule prisée actuellement dans la politique du remake, de Massacre à la tronçonneuse à La Colline a des yeux. Mais alors que ces deux derniers proposaient fièrement un dépassement de l’œuvre originale, Pulse n’en tire rien d’autre qu’une plate resucée sans fascination particulière, sans une once de malice, au mieux customisée. Du coup, le film s’apparente à un work-in-progress poussif, sorte de traduction simultanée bourrée de fautes et d’approximations. La tenue graphique par exemple, dans l’ensemble séduisante et racée, mais aussi morcelée, fracturée. Il faut voir la transformation des personnages en fantômes passant en un changement de plan de teenages rutilants à des zombies plastifiés. Non pas que les images soient proprement moches, mais leur ordonnance est si détraquée qu’il en dissout immédiatement l’impact.

Voilà le principal problème du film : ne pas trouver sa place, s’égarer entre deux tempos, proposer le néant comme substitut au dépouillement vénéneux de Kurosawa. Seule solution, le débordement de l’horreur froide par un déhanchement carnavalesque. Voir le finale, train fantôme du futur (parce que numérique) hystérique et informe, où la surenchère d’effets ratatine le film et lui donne par défaut une contenance, un rythme. S’exciter tout seul, tel est la bouée de sauvetage de Jim Sonzero et des frères Weinstein. Durant 1h25, c’est assez pathétique.