Chouette affiche. C’est tout. Livrée à elle-même puisque les Weinstein, suite au four de la sortie US, ont opté pour l’exploitation solo des deux films à l’international, la moitié Rodriguez du projet Grindhouse fait bien pâle figure après l’exercice passionnant de Tarantino. Et paradoxalement, c’est en célibataire que Planète terreur souffre le plus de son voisinage avec Boulevard de la mort, promis seul à la postérité. Dur, pour Rodriguez, dur d’être la moitié d’un projet à deux têtes avec un métrage à ce point acéphale : couplé avec Boulevard de la mort, Planète terreur valait encore comme protubérance atone mais vaguement distrayante, tubercule inoffensif, amuse-bouche dont le mérite principal, outre l’argument vintage du double feature, était de souligner par la négative la perfection formelle du système Tarantino. En solo, c’est une autre histoire.

L’histoire, justement : tandis que Tarantino organisait élégamment son matériau autour d’une étude des figures de tough cookies et autres revenge movies, Rodriguez penche côté zombie et vise le compendium. Le cocktail se veut donc plus gourmand : Carpenter (siège, alliance des contraires, tension minimaliste de la B.O. – toujours signée par Rodriguez lui-même), Romero (petit frisson politique : Roberto nomme Ben Laden, c’est sacrément couillu, et offre un caméo à Tom Savini), le bis italien (zombies et militaires revenus de L’Avion de l’apocalypse, et du Fulci projeté à l’équipe avant tournage), et même Terminator (cameo de Michael Biehn et finale version Sarah Connor). Mais Rodriguez, tout secoué par la sève nerd que l’entreprise n’a pas manqué de remuer, se plante dans les réglages du mixer : en fait de cocktail, c’est la purée.

Il n’est pas indifférent, au fond, que la prothèse soit le gimmick du film (celle en forme de pétoire qui termine ici la bimbo Rose McGowan, seule vraie belle idée, fort logiquement promue viatique promo). Comme exercice de style, Grindhouse est affaire frankensteinienne: comment faire tenir ensemble les morceaux orphelins d’une sous-culture. Surtout : comment leur trouver un épine dorsale, quel type de flux y installer pour ranimer les chairs mortes ? Comment refaire un corps à partir des prothèses ? Réponse exemplairement holistique de Tarantino (hommage certes, mais table rase, vraie proposition de cinéma que Death proof) ; assemblage inerte chez Rodriguez, Frankenstein en version Mel Brooks. Il n’est pas surprenant non plus que ce soit précisément Rodriguez qui se tire le mieux de l’exercice des faux trailers qui complétaient Grindhouse aux Etats-Unis. Rodriguez est parfait au stade larvaire : Machette, seule bande-annonce Grindhouse à avoir traversé l’Atlantique (livrée ici avec Planète terreur), petit gag maniériste fort rigolo et cent fois plus réussi, dit bien le drame de Planète terreur : ces 1h45 dont il ne sait vraiment que faire.