Engagé sur la voie du thriller grand public, John Frankenheimer échoue comme beaucoup d’autres dans sa tentative. La perpétuation d’un genre aussi visité que celui-ci nécessite que le cinéaste qui s’en empare sache le renouveler, ou tout au moins lui insuffler un ton personnel. Or, le réalisateur du Prisonnier d’Alcatraz (1962) notamment se contente de remettre sans imagination et maladroitement quelques vieilles recettes au goût du jour.

Lorsque Rudy Duncan sort de prison, il espère se refaire une petite vie tranquille avec Ashley. Mais le frère de celle-ci et sa bande ont décidé de se servir de lui pour cambrioler un casino. Sur un enchaînement insipide de cascades, d’explosions, et d’impacts de balle gros comme des maisons, le tout filmé en grand angle pour faire plus costaud, se greffent quelques fausses audaces. La scène d’introduction qui renverse l’ordre du récit pour poser deux questions censées nous tenir en haleine le reste du film (qui est mort ? qui a fait le coup ?) et l’utilisation de quelques jolies gueules dans l’air du temps (Ben Affleck possède le charisme d’un lampadaire éteint) ne suffisent pas à masquer la faiblesse de cette entreprise. D’abord car leur utilisation ne bouleverse pas des règles usées jusqu’à la corde (les images montrées dans la première scène ne servent qu’à engendrer un questionnement traditionnel sans avoir de conséquences sur le cheminement de la pensée du spectateur, en introduisant un doute par exemple), ensuite parce que lorsque le cinéaste s’aventure sur des voies moins convenues, son échec n’en devient que plus patent.

D’entrée de jeu, le suspense introduit par la scène d’ouverture est maladroitement désamorcé par l’utilisation (totalement inutile d’ailleurs) d’une voix off qui désigne implicitement le survivant. La tension, qui repose essentiellement sur cette interrogation, n’a donc même pas le temps de monter. Les conséquences de ce pétard mouillé sont d’autant plus graves que les dérivatifs qui pourraient pallier cette défaillance ne fonctionnent pas. Car dans cet univers qui se voudrait bâti sur d’infinies couches de faux-semblants (Ashley change sans cesse de visage au sens figuré), le spectateur parvient à lire comme dans un livre ouvert. Et lorsque une surprise intervient enfin, elle tombe du ciel sans aucune justification ni lien avec ce qui précède. Voilà qui prouve une fois encore que le thriller est un exercice lui-même extrêmement périlleux.