Sur les traces du photographe canadien Edward Burtynsky, Jennifer Baichwal explore une nature seconde, celle des mines et des décharges de l’Usine mondiale. Le beau titre à la François Bon et les paysages spectaculaires augurent plutôt bien de cette plongée dans un imaginaire de carcasses métalliques. Visions gigantesques de paquebots échoués, coupes vertigineuses de mines de fer ou de barrages en construction, turbines, dunes de charbon à l’infini, poubelles planétaires. A chaque plan, des images saisissantes et inhumaines vous coupent le souffle.

Mais passé le spectacle photogénique, l’intérêt faiblit. Les prises de vues s’enchainent, des galeries de photos défilent sur l’écran et se contentent d’exposer Burtynsky. Sur le photographe au travail, peu de choses, ou bien si, ce détail dans un recadrage déplaisant au début du film : il dispose joliment ses modèles (les ouvriers d’une usine chinoise) comme des Playmobils en combinaison jaune pour un shoot qui fera son effet. L’esthétisation lourde et sans complexe rend bien douteux le regard porté sur les décombres du monde : « L’industrialisation vue du ciel » – Yann Arthus-Bertrand a de la concurrence. Surtout attachée à l’effet « belle catastrophe », Jennifer Baichwal enrobe le tout d’approximations pénibles, passant de la Chine au Bengladesh sans crier gare et vous balançant des images bien composées mais sans légende.

Prise de conscience ? Refoulée en Asie, la pollution à grande échelle devient une menace fantasmatique sur fond de musique d’apocalypse. La déploration naïve d’une nature souillée (degré zéro de la pensée écologiste), le catastrophisme galopant, l’absence de discours critique ou de prise de position politique de la cinéaste (laissons le photographe à ses vues du ciel) finissent par agacer. Paysages manufacturés est un beau livre d’images, on y voit des panoramas étonnants et inquiétants, de grosses machines cassées, on se dit que ça va mal, mais après, pour le reste, faudra repasser.