Pour son troisième film, Bernard Rapp a choisi de changer de registre, abandonnant le thriller psychologique pour une intrigue plus lâche, une comédie d’aventure reprenant le motif connu du trio masculin. Léo, Max et Charlie sont les fils adoptifs de Pablo, un vieil excentrique vétéran de la guerre d’Espagne, devenu sculpteur en Belgique. Sur le point de trépasser, Pablo convoque les trois « frères » et leur demande de partir pour Valence, rencontrer ceux aux côtés de qui il a combattu. Projetés dans ce voyage improvisé, Léo, Max et Charlie partent à la découverte du passé de leur père, mais aussi d’eux-mêmes. Tant et si bien que leur escapade ibérique prend des allures de trip initiatique.

Sur le papier, tout était possible : l’itinéraire des trois frères baladés dans une Espagne de rêve et perdant naturellement de vue le but du voyage laissait la place à une infinité de thèmes. Bernard Rapp, seul scénariste de son film, semble avoir rapidement perdu les rênes de son histoire, sans doute débordé par ces trop nombreuses possibilités, perdu dans le flou de ses intentions. Dès les premières scènes de Pas si grave, quelque chose cloche : les dialogues sentent affreusement l’écrit, les personnages sont tout aussi originaux et réels que leurs patronymes (dignes d’un bon vieux Pécas). Les acteurs semblent condamnés à un grossier cabotinage, leurs personnages étant plongés dans des situations d’une banalité sans limites : Max dézingue la mob flambant neuve d’un créditeur pour obtenir son dû, les trois frères taillent la route vers l’Espagne en chantant du Manu Chao, leur hôte a bien entendu dépêché sa fille sublime, pas farouche comme il se doit. Ces trois galériens, artistes à la petite semaine, oseront sous d’autres cieux être enfin eux-mêmes.

Un peu comme dans le dernier Klapisch, le charme de l’Espagne en fait une sorte d’El Dorado identitaire, le pays où tout est possible : la preuve, ici, un capitaine de la Guardia Civil peut se déguiser en femme pour chanter dans un cabaret, car l’Espagne c’est aussi les travestis des films d’Almodovar. Eh oui, c’est guidé par ce genre de clichés et dans une voiture d’un jaune local que Bernard Rapp nous trimballe au gré de ces inventions, multipliant les péripéties hasardeuses, les scènes indigentes bardées de répliques qui tombent à plat. Une chose est sûre, la libre circulation est une meilleure chose pour les marchandises que pour la fiction, car on aurait préféré voir tout ce petit monde refoulé à la douane.