Les nouvelles têtes dans le cinéma taïwanais sont suffisamment rares pour ne pas voir débarquer Chung Mong-hong avec une bienveillance immédiate. Mais les apparences ne tiennent guère : le cinéaste s’inscrit d’emblée sur un terrain si reconnaissable et balisé que l’effet de surprise est réduit à néant au bout d’à peine trois séquences. Pitch en carton pâte : alors qu’il s’apprête à retrouver sa bien aimée, un jeune homme réservé et taiseux voit sa voiture bloquée dans une rue de Taipeh. Début d’une suite de rencontres « cocasses et saugrenues » qui vont transformer sa nuit en enfer avant que l’on comprenne la teneur métaphorique de tout ça (ATTENTION SPOILER) : un simple parcours du combattant destiné à resserrer les liens d’un couple en perdition. S’attaquer au meilleur film de Scorsese (After hours) en le plongeant dans le bain moite de la capitale taïwanaise selon une logique atmosphérique draguée de fond en comble par Hou et Tsai est un pari où d’autres se seraient vautrés en quelques plans.

Or si Parking surprend, c’est bien par la maîtrise de routard de son jeune cinéaste (enfant de la pub), capable de jouer avec les lumières langoureuses de la cité – ce côté « c’est beau une ville la nuit » qui menace à chaque instant – sans jamais sombrer dans l’imagerie ou l’exotisme. La traversée des espaces, d’une fluidité hantée, révèle une tendance à l’abstraction assez salutaire (la salle de bain et la tête de poisson, les couloirs et lieux dévitalisés). Car pour le reste, il s’agit essentiellement de s’en remettre à des figures tellement caricaturales (la prostituée fascinante, le mac violent, le barbier qui anime ce petit monde de sa fantaisie étrange et monotone, etc.) qu’elles ne dépassent jamais leur statut de clichés sur pattes. Dès lors, le rythme a beau s’installer, la virtuosité plastique du cinéaste ne suffit jamais à emporter Parking au-delà des terres battues qu’il se plaît à labourer sans la moindre prétention. Inutile de s’acharner : jamais antipathique, le film se laisse regarder, humble et servile, réduit à sa petit musique entêtante à force d’être gentiment rabâchée.