Orlando Vargas met en scène Aurélien Recoing et s’acharne à réduire au silence tous ses personnages. Autant dire qu’il fait à peu près tout ce qu’il faut pour ne pas nous faire rêver. Bingo : taiseux comme pas deux, le premier film de Juan Pittaluga est un curieux mélange de naïveté et d’assurance hautaine, presque arrogante, d’être du (bon) côté de l’art -c’est sa seule étrangeté. Aurélien Recoing est orlandovargas. Le nom-titre fait slogan mystérieux et s’en fait fort, à l’image du Japón de Carlos Reygadas, fier quant à lui de son absence de rapport avec la choucroute. Aurélien Recoing est tourmenté et va vous le faire savoir en moins de 80 minutes : expatrié en Uruguay avec femme et fils, Orlando Vargas fréquente le pouvoir, mais quelque chose ne tourne pas rond. Quoi donc ? On ne sait, ni vous ni moi ni sa femme, qui s’inquiète un peu quand même. On suppose : des pressions politiques, des affaires peut-être, un truc louche en tout cas. Mais qu’est-ce qu’il se passe-t-il donc à Montevideo ? Quittant la ville, Orlando Vargas emmène sa famille respirer au bord de la mer, dans une grande maison au milieu des dunes. Dès le premier soir, Orlando Vargas va prendre un verre dans un bar (il boit beaucoup, il est mal) comme s’il avait un mystérieux rendez-vous. Et ne reparaît point. Pffuitt, disparu, évaporé, orlandovargas.

Problème 1 : Le mutisme, on le dit partout, c’est le pompom du cinéma d’aujourd’hui. C’est un exercice où le cinéma français (ou franco-uruguayen, espèce rare) n’excelle pas mais s’entête. Le cinéma taiseux se distribue entre fascination pour les corps (jeune cinéma français sensible) et credo wittgensteinien voulant que ce dont on ne peut pas parler, il faut le taire (jeune cinéma français costaud). Qu’il joue l’une ou l’autre tendance, il ne parvient à rien sinon faire la réclame de son mystère, s’excite tout seul sur sa bulle vide, ennuie toujours.

Problème 2 : Aurélien Recoing under pressure, c’est un stage commando au pays de l’intériorité en ébullition, du front qui plisse. C’est un curieux mélange -c’est sa seule étrangeté- entre volonté de tout retenir et démonstration qui lâche tout. Tout son corps travaille à vous faire savoir qu’il pense et qu’il pense fort. A quoi ? Silence (problème 1). Rien de pire qu’un acteur qui consent mais ne dit mot.