Il y a dans Origine contrôlée une influence assez inattendue pour un film consacré à l’image des immigrés maghrébins dans la France contemporaine : celle de La Mort aux trousses. Modèle choisi ou inspiration inconsciente ? Référence omniprésente en tout cas à travers la figure comique du quiproquo, abondamment exploitée par Zakia et Ahmed Bouchaala. Comme Roger Thornill, le gentil dupe génialement incarné par Cary Grant dans le film d’Hitchcock, Patrick Morel est un parfait quidam dont l’existence se transforme en cauchemar suite à une méprise sur son identité. A la sortie d’une fête costumée pour laquelle il s’était déguisé en caricature de femme (talons aiguilles, minijupe en cuir, gilet rose fluo), la police croit reconnaître en lui un travesti algérien qu’elle recherche de longue date. Pendant son séjour en prison, il fait la connaissance de Sonia et Youssef, deux « authentiques » immigrés en situation irrégulière, en compagnie desquels il parviendra à s’évader et vivra une grande cavale à travers la France.

A priori, rien ne saurait être plus drôle que les mésaventures d’un individu confronté à l’impossibilité de se faire reconnaître et entraîné malgré lui dans une histoire à laquelle il ne comprend rien. Avec une grande foi dans l’efficacité de ce dispositif, Zakia et Ahmed Bouchaala se placent d’emblée dans le registre de l’absurde. Bien relayé par le trio d’acteurs, leur goût de l’hyperbole et du comique de situation imprègne Origine contrôlée de bout en bout. Hélas, pour le plaisir du spectateur, les deux réalisateurs demeurent le plus souvent captifs des conventions de la comédie classique. La mise en scène souffre d’un cruel manque d’audace, et tout se passe comme si la plupart des gags préexistaient au film sans qu’il parvienne jamais à se les approprier. Au total, Origine contrôlée y perd beaucoup de son originalité potentielle, très entamée par ailleurs par d’insupportables répliques de boulevard qui finissent par envahir tout le champ du dialogue.

Ce manque d’ambition et de singularité dans le traitement des motifs comiques, les auteurs donnent l’impression de chercher à le compenser par un souci de profondeur politique. En substance, le film semble nous dire que le pouvoir et les médias sont aujourd’hui de véritables machines à fabriquer des stéréotypes, hantées par une paranoïa systématique à l’égard de l’étranger. Passons sur le fait que cette intuition n’a rien de nouveau -elle occupait déjà une place primordiale dans la philosophie de Michel Foucault il y a trente ans. Le véritable problème, c’est qu’Origine contrôlée ne lui prête pas de forme cinématographique convaincante avant la scène finale, construite autour d’une manipulation très habile des phobies véhiculées en France par l’image de l’Arabe. A cette exception près, le film n’échappe jamais à sa logique de dénonciation simpliste et voit sa verve comique s’épuiser peu à peu sous le poids des bons sentiments et d’un moralisme des plus pénibles.