Léa Fazer s’était fait connaître de nos services voici quatre ans à la faveur d’un film crétin, ringard et vulgaire intitulé Bienvenue en Suisse, qui fit – tout arrive – l’ouverture de la section « Un Certain regard » du festival de Cannes. Voilà la réalisatrice revenue des alpages et coincée dans le mobilier Ikéa d’un film sur un sujet de société il est vrai un peu plus intéressant que les bermudas helvètes : les rapports hommes / femmes dans l’entreprise. Un film sur le pouvoir, donc, et l’état du sexisme aujourd’hui. Ah, les sujets de société. Où l’on regrette infiniment feu Les Dossiers de l’écran.

Le film prend la forme d’un Smoking / No smoking du pauvre : Margot et Victor forment un couple épanoui, comme on dit. Avocats tous deux dans un même cabinet, ils se retrouvent en compétition pour le poste d’associé du patron, dirigé par l’impitoyable Thierry Lhermitte. Les amoureux vivent ça à la cool, continuant leur mamours sur le thème « si c’est toi, je serai super content(e), et devenir ton subordonné ? pas de problème ». Innocents qu’ils sont. Parce qu’au fur et à mesure que le film examine les deux hypothèses en les alternant péniblement à l’image (madame est boss, monsieur bosse pour elle, et vice-versa), on voit bien que ce n’est pas si simple, et que la vie de bureau, et la hiérarchie qui va avec, dévore leur bonheur, bien malgré eux.

D’un film à l’autre, Léa Fazer a bien fait connaître le paradoxe de sa grande ambition : être vacharde, mais sympa. Envers les Suisses dans Bienvenue en Suisse, sur l’air de qui aime bien châtie bien. Envers l’hypocrisie des rapports hommes/femmes, dans Notre univers impitoyable, qui se tient mieux que son prédécesseur, moins beauf, et se targuant même de lucidité. Mais, aussi lisse que ses acteurs, aussi plat que sa mise en scène, Notre univers impitoyable finit très logiquement par se lover dans un mignon « ni pour, ni contre, bien au contraire ». Tout le monde est content, personne n’est fâché, les amants s’en sortent bien, le méchant est puni, le propos ne dépasse pas les pages débat de Biba, et surtout le film célèbre une certaine esthétique de l’anonymat comme pour mieux y cacher une absence de point de vue, des pulsions sarcastiques parfaitement inoffensives, un coup pour rien.