A la traîne de Pixar depuis sa création, Dreamworks n’en garde pas moins une science affûtée du marketing, entre pillage en règle des premiers et croyance cynique en quelques principes mercantiles (budgets faramineux, stars au doublage, second degré pour plaire aux parents). Nos voisins les hommes ne déroge pas à la règle à ceci près qu’il théorise enfin la marque de fabrique du studio, faisant du business son unique sujet. Ne plus chercher donc de comparaison avec Pixar sous peine de déception majeure : les films Dreamworks sont irrémédiablement méchants, secs et sans pitié envers leur public et les personnages qu’ils mettent en scène. Le cynisme, validé sur tous les opus (remember Gang de requins, sommet de fumisterie où l’anthropomorphisme atteignait un point culminant de monstruosité esthétique) trouve cependant ici une grammaire cinématographique digne de ce nom.

Riton, le raton laveur vedette, est un joyeux arnaqueur qui dévalise les réserves des autres animaux avant de découvrir les trésors de nourriture que recèlent les humains dans une opulente banlieue pavillonnaire. Pour rembourser une dette, il manipule une candide petite communauté et la pervertit aux débauches de la consommation. On retiendra l’allégorie avec Pixar, boîte de Pandore qu’on vient détrousser comme un rituel délicieux. Mais l’intérêt du film consiste à dénoncer ce système tout en s’y laissant happer avec délice, double mouvement qui lui permet de trouver une profondeur digne de ses moyens. Mouvement d’abord politique, chaque raid du petit commando intégrant ce dernier un peu plus à la société, laquelle le rejette avec d’autant plus de violence. Un rapport au monde très Occident / Tiers monde, le film allant même jusqu’à piocher dans l’imagerie de Guantanamo lorsque les créatures se trouvent empilées dans des cages métalliques par un dératiseur en combinaison orange.

Mouvement ensuite purement cinématographique : vitesse, fluidité et enjeux sans cesse réactivés, le film est galvanisé, toujours tendu par deux enjeux forts, la survie (manger, sauver sa peau) et la quête du plaisir, ici plaisir consumériste, de la capitalisation à l’excitation de nouveaux produits (les chips, dont les animaux raffolent comme de la cocaïne non coupée). On note, qu’enfin, Dreamworks ne se contente plus d’empiler des images mais d’atteindre une certaine excellence dans l’enchaînement des séquences. A ce titre, la scène de poursuite du chien est un modèle du genre, où chaque élément intègre l’action et l’intensifie, le remplissage du cadre faisant office de crescendo dramatique. A défaut d’âme pure, il y a maintenant du cinéma dans les produits du studio Dreamworks.