Qui se souvient du premier film du styliste Tom Ford, A Single Man ? Nous, un tout petit peu : dans les années 60, un professeur de littérature y faisait le deuil de son jeune amant décédé, traînant ses velléités suicidaires dans une Californie réduite à un défilé de paysages et d’icônes désabusées. Le film, d’une modernité passée de mode depuis dix ans, assumait ouvertement de chasser sur les terres du maître Wong Kar-Wai, dont il déclinait sous une forme presque droopiesque les marottes usées jusqu’à la corde – temps qui passe, coeurs inconsolables, neurasthénie distinguée.

Même programme de recopiage pour ce Nocturnal Animals, qui a lui aussi pour mérite de ne pas faire longtemps mystère de ses influences. David Lynch et David Cronenberg sont ainsi pareillement invoqués dans ce thriller tarabiscoté aux ambitions tranquillement ringardes. On y découvre une galeriste au tempérament bien glacé (Amy Adams), surprise un matin par la réception d’un manuscrit donnant au film son titre, et dont on apprendra très vite qu’il a été envoyé par son premier amour (Jake Gyllenhaal) – un écrivain qu’elle quitta il y a des années, faute d’y trouver un mari à la mesure de son pedigree. Le livre en question est un peu glauque, puisqu’il narre le destin tragique d’une adolescente et de sa mère, capturées par quelques rednecks sous les yeux impuissants du père, qui les retrouvera un peu plus tard violées et assassinées.

Le film enroule ces deux récits tel un ruban de Möbius, en disséminant assez d’indices pour progressivement sonder les échos entre l’un et l’autre (indice : le pauvre mari, qui tentera de retrouver les assassins de sa famille, est aussi incarné par Jake Gyllenhaal) et comprendre les intentions secrètes du manuscrit. Sauf que le spectateur, lui, a tout sondé et compris au bout de la douzième minute, très aidé par la mise en scène de Tom Ford, qui ne fait rien pour cacher ses prétentions et enchaîne les tours de passe-passe narratifs avec autant de discrétion qu’un éléphant jouant à cache-cache.

D’où, à l’arrivée, un objet à la fois hyper prétentieux et totalement maladroit, mêlant deux niveaux de réalité entre lesquels rien ne circule sinon l’artificialité de tous ses procédés. L’équation est simple : plus le film multiplie les efforts pour dérouter, moins il procure d’effet de sidération. Ou alors, à son propre créateur, qu’on trouve ici bien impatient de se frotter aux plus illustres, au point d’oublier de mesurer l’écart séparant ses fantasmes (le grand chef d’oeuvre tortueux qu’il revendique dès le générique) de la réalité (le petit thriller de contrefaçon qu’il n’est, l’air de rien, même pas capable de tenir une seule séquence).

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