Il y a déjà quelques temps, nous avions remarquer Hustler White, le troisième film de Bruce la Bruce : de longs travellings longeant les rues américaines désertées pour se focaliser sur la déambulation de divers prostitués. Les castings, tournages pornos et groupes sadomasochistes nous faisaient suivre le regard aimant et obsessionnel de Bruce La Bruce envers la beauté de la jeunesse masculine. Avec No skin off my ass, « the pornographic philosopher » réalisait un premier film aux allures beaucoup plus expérimentales : caméra super 8, Noir et Blanc, son post-synchronisé…
L’ histoire est celle d’un skinhead plus ou moins à la rue, partagé entre son désir envers un homosexuel (B. La Bruce) et sa réputation de skin : être un homme dur foncièrement hétéro. Sa soeur, réalisatrice de films lesbiens, met peu de temps à le convaincre d’assouvir ses désirs. Mais il serait dommage de ne pas s’attarder sur ce qui fait la force et l’attrait du film : sa construction scénaristique, si particulière -puisqu’en dehors de toute convention- et si clairvoyante.

En effet, Bruce La Bruce mêle divers thèmes. Il condamne le néo-fascisme vers lequel se rapproche le mouvement skinhead tout en éprouvant une attirance envers leur physique, en démontrant que derrière une apparence sévère se cache un visage et un corps beaux et sensibles. Le jeune skin en est d’ailleurs la preuve évidente. Cette transition d’une « honteuse » vers l’acceptation de lui même est d’autant plus juste qu’elle ne s’appuie pas seulement sur l’acte sexuel, mais sur tout ce qui est de l’ordre de la séduction. Bruce est un vrai romantique, amateur de musique mélodramatique, à la voix et au regard amoureux. Mais il n’est pas pour autant dépourvu de fantasmes masochistes : enfermer l’être aimé, l’attacher pour en faire sa proie soumise…
D’autre part, en nous livrant un journal filmé très intime, Bruce la Bruce se révèle lucide quant aux situations comiques que provoquent quelquefois les gestes de la tentation, à la fois osés et timides. Les scènes de confession -menées généralement par la voix off attendrie et douce de l’auteur- oscillent constamment entre lyrisme et burlesque : Bruce prend un air attendri, fleur bleue, face au skin, tandis que celui-ci danse violemment sur du hard-rock ; les deux amants en sont ensuite aux préliminaires de l’amour mais Bruce se lève toutes les 5 mn pour régler sa camera.
No skin off my ass est une œuvre sincère emplie de sentiments et de contemplation envers l’Homme. On attend avec impatience Super 8 1/2, le deuxième film de Bruce la Bruce…