Olivier Dahan n’est pas le cinéaste en activité qui nous passionne le plus (c’est le moins qu’on puisse dire), mais après le triomphe de La Môme, on pouvait craindre le pire pour lui : un destin à la Ozon de superstar internationale du cinéma français voué à se ramasser tôt ou tard. My own love song échappe étrangement à la gamelle alors que tout poussait à prédire un monument de cinéma grobêta : l’histoire d’un imbécile heureux (Forest Whitaker) et d’une handicapée (Renée Zellweger) lancés sur les routes du Sud à la recherche de l’enfant de la seconde. A se la jouer road-movie indie outrageusement caricatural, le film avance dans une sorte de béatitude somnambule, entre tourisme musical (la B.O. de Bob Dylan, difficile d’en jeter plus, même si la partition est complètement anodine) et mélancolie douce amère trouée de parenthèses kitschissimement eighties (la séquences de trip baba dans la forêt).

A son pire, le film flirte avec le mauvais goût absurde et cauchemardesque d’un The Fountain (son cousin dégénéré), mais l’absence totale de prétention métaphysique, le prosaïsme même qui est la marque de Dahan finissent par tutoyer l’esprit enfantin du conte, notamment cette manière de renvoyer toute figure ou tout espace à sa plus pure immédiateté. Cette tendance a pour principal revers d’être extrêmement limitée d’un point de vue syntaxique (pour filmer sa Zellweger nature et presque enlaidie, le cinéaste ne connaît par exemple que le gros plan zoologique, et c’est souvent embarrassant). Mais il y a chez Dahan, comme chez un Tony Gatlif, avec toutes les limites que comportent leur cinéma, une façon petit bélier d’y croire coûte que coûte, de baigner tellement dans leur jus que tout porte le poids d’un certain naturel (malgré le paradoxe qu’ils soient des cinéastes complètement obsédés par la belle image, l’artifice ou la reconstitution).

Drôle d’objet, donc, loin d’être détestable (disons même : presque aimable), qui doit aussi beaucoup au talent de directeur d’acteurs de Dahan. Le problème, c’est qu’entre direction d’acteurs et mise en scène, il y a un gouffre dans lequel se précipitent mille scories de débutant (le film rappelant à chaque scène son statut un peu niaiseux de « premier film US pour le cinéaste). Dans ce registre « première fois » qui hante My own love song, la tentative de se déniaiser par la comédie échoue assez lamentablement, comme cette poursuite en split-screen digne d’un film des Charlots. Mais on sait gré au film de déjouer toute attente : surtout pas d’un point de vue narratif – le mélo coule, tranquille peinard, sans se poser de questions – mais dans cette étrange zone de brouillage où tout, jusqu’aux plans saturés d’une Amérique de carte postale, ne semble plus répondre qu’à la logique autiste et dérégulée d’un rêve d’enfant.