Présenté en Compétition officielle lors du Festival de Cannes 2002, Monsieur Schmidt avait la lourde tâche de représenter les Etats-Unis face aux avant-gardistes de tous bords, Kiarostami (Ten) et Sokourov (L’Arche russe) en tête. Difficile de comprendre le choix des sélectionneurs cannois, d’ordinaire plus pointilleux, et qui, là, accordaient à une comédie, certes sympathique mais pas vraiment sous-tendue par un concept ambitieux, l’honneur de concourir parmi l’élite des auteurs mondiaux. Comme American beauty en son temps, Monsieur Schmidt se laisse regarder avec plaisir : scénario carré, dialogues ciselés et interprètes impeccables. On est pourtant loin des expérimentations formelles d’un Todd Haynes ou d’un Gus Van Sant dont le dernier opus, Gery, méritait amplement une sélection à Cannes. Animé de bonnes intentions, le film de Payne fait en quelque sorte partie de ce que l’on pourrait appeler le « mainstream indépendant américain », une catégorie moins mercantile que les blockbusters mais tout autant prévisible avec sa sempiternelle critique du système et ses héros torturés.

Monsieur Schmidt partage avec le American beauty de Sam Mendes le même point de départ : un individu jusque là lambda se rebelle contre la société après un événement qui vient déranger le cours monotone de sa petite vie. Pour Warren Schmidt, héros du film de Payne, c’est la retraite et le décès de sa femme qui feront office de catalyseur. Après des décennies passées à travailler et faire ses devoirs de citoyen (former une famille, acheter un pavillon), Warren prend soudainement conscience du vide qu’a été son existence. Devenu misanthrope, il prend un malin plaisir à jouer les papy grincheux (Jack Nicholson, constamment à la limite du sur-jeu) en sabotant les plans de mariage de sa fille chérie. Dans ses meilleurs moments, Monsieur Schmidt s’avère une réjouissante comédie satirique s’appuyant sur le regard critique de son héros pour épingler les moeurs de ses congénères. Comme pour son précédent film, L’Arriviste avec Reese Witherspoon et Mattew Broderick, Payne fait preuve d’un talent indéniable dans l’art de manier l’ironie, utilisant la dépression de Warren Schmidt comme une redoutable arme d’analyse. A voir pour le plaisir de découvrir un « vrai méchant » au cinéma.