Sans être un grand film, la nouvelle livraison de Marc Esposito – illustre auteur de manifestes hétéro-beaufs répondant au doux nom de « Coeur des hommes » (deux films pour faire le point, dont au moins un de trop) -, se laisse voir sans déplaisir. En raison surtout de son duo d’acteurs, Edouard Baer et Benoît Magimel, l’un et l’autre partant de son registre habituel – l’homme urbain élégamment dépassé, le prolo à la noblesse sans mots – pour finalement s’accorder autour d’un égal débit (pas vraiment comique, jamais tout à fait dramatique). Ayant compris qu’il ne suffisait pas de photographier en plan large un chœur d’hommes au repos pour rendre palpable l’immuable connivence masculine, le fondateur de feu Studio magazine (dont la publication automobile dirigée par Baer reprend ouvertement le visuel) gagne cette fois à élire puis suivre un fil narratif certes ténu, mais toujours cohérent. Victor vient parler aux détenus d’une prison de son métier de journaliste. L’un d’eux, Bruno, fan de la première heure, parvient à lui faire part de son rêve de travailler pour lui. S’ensuit une histoire de liberté conditionnelle et de réinsertion susceptible, si l’on veut vraiment engager une comparaison, de laisser envisager quelque stratagème de petit filou à la Prophète. Et puis non.

Non parce que l’ambition d’Esposito, toute « cinéphilique » qu’elle soit, n’est pas exactement de faire du statut d’ex-taulard de son personnage un moteur dramatique, mais un simple point de départ. Une chose de sa vie ne lui interdisant aucunement de réaliser le rêve de son fils (obtenir une carte de presse), sinon le sien (s’acheter un pavillon en Province). Au quotidien « propre », bourgeois, parisien de Victor s’oppose moins que s’accorde celui plus impur et précaire du banlieusard, les compères semblant édifier leur amitié naissante autour d’une mise à plat (longue discussion fordienne des gaillards entre ciel et terre) puis d’une commune relativisation de leur place dans la société. Comment être un « bon » homme serait alors le vrai motif du cinéma d’Esposito. Moins au sens d’une générosité (celle semblant d’abord pousser Victor à donner sa chance à son nouveau pote) que d’une conscience de ne pouvoir être mieux que ce que l’on est. Cette lucidité du mâle quant à sa condition est comme on sait une des raisons majeures du succès critique actuel d’un Judd Apatow qui, quoi que l’on pense des films qu’il produit ou réalise, proposa ces dernières années une vision sans rivale d’un certain « éternel masculin » (blagues grivoises, adolescence durable, amitié virile à deux doigts du patin, etc.). Plus solitaire, plus cadré (mise en scène très sage, entre champ-contrechamp pour le premier entretien et retour au plan partagé des deux hommes assis une fois la camaraderie assumée), Mon pote n’est pas moins respectable dans son genre : celui d’une bonhommie sans clairon, gagnant précisément à ne pas se vendre comme autre chose.