Revenir à l’âge d’or d’un cinéma popu italien des années 60-70 avec la nostalgie comme unique emballage contemporain (voix-off en mode « je me souviens »), telle est l’angoissante perspective de Mon frère est fils unique, laquelle évoque le sinistre Nos meilleures années. Au purgatoire depuis le coup d’éclat du Porteur de serviette début 90, Daniele Luchetti revêt donc les atours d’un Ettore Scola new age. Académisme inoffensif qui au souvenir de l’acidité de son film-phare passerait pour décevante bien que Mon frère est fils unique ne le soit pas vraiment (décevant), surfant sur le cahier des charges avec un raffinement qui confine au respect. Soulagement donc.

Mon frère est fils unique évite de sombrer dans le programme superfétatoire à la limite du grand barnum forain vers lequel le scénario, saga millimétrée de deux frères que tout oppose (l’un coco, l’autre facho) dans une Italie d’album photo, semble pourtant se diriger tête baissée. Il y a dans la mise en scène de Luchetti une forme de résistance systématique qui creuse discrètement le mélo, lui conférant distance et sécheresse – le métrage ne dure qu’1 heure 40, une performance pour le genre. A focaliser l’intrigue sur le petit frère rebelle surnommé « la teigne » (l’acteur Elio Germano, très bien), le cinéaste contrarie l’épopée, la suivant sur un courant alternatif au gré des humeurs du personnage : toujours en retard, entre hébétude, goguenardise, ou résurgence des sentiments (le côté Jules et Jim, plutôt touchant).

La politique est rapidement étrillée en banal effet de mode, appartenance clanique souvent stupide, parfois tragique, mais dont Luchetti ne conteste jamais l’emprise émotionnelle. Ainsi le film n’entend pas réviser le passé, mais préfère s’y lover à la manière d’un jeu de pistes dont l’intérêt tient autant à en contester les règles qu’à les suivre à la lettre. Ainsi se déroule Mon frère est fils unique, joli travail d’équilibriste qui d’une main concocte un bon mélo des familles, de l’autre insuffle ambiguïté et distanciation sans tomber dans le centrisme mou du bulbe.