Revenu -au moins provisoirement- de ses pathétiques envolées pialato-bernanossiennes qui accouchèrent de l’ahurissant Lise et André (séance de prosélytisme cul-bénit avec miracles, ex voto et crises de foi, le tout avec pour tout horizon ultime un grand ciel de transcendance posé sur de solaires champs de blé), Denis Dercourt explore ici l’autre point cardinal de son cinéma, l’univers des musiciens. Ses films précédents, Le Déménagement et Les Cachetonneurs, avaient déjà pour protagonistes des musiciens, milieu que le réalisateur connaît bien, puisqu’il est de la famille. Dans Mes enfants…, c’est par le biais d’une fiction simplette qu’il tente de nous faire passer ce qu’il sait du petit microcosme des conservatoires et des concours internationaux.

Jean Debart, violoncelliste d’orchestre élève ses enfants dans un esprit de sacrifice et de travail : Alexandre, 11 ans, est un jeune pianiste aussi doué que sa grande soeur, Adèle, qui excelle avec le même instrument que son papa. Evidemment, lorsque Adèle connaît les premiers frissons de l’amour avec son accompagnateur, le prof papa s’irrite et préférerait voir sa fille préparer son Bach plutôt que de batifoler. Question clichés, Mes enfants… ne fait pas dans la demi-mesure : le poids du devoir d’excellence, un père qui aimeraient que ses enfants réussissent là où il a échoué, etc.

Le plus étonnant reste la mise en scène, d’une grande indigence alors qu’elle se veut sobre et solennelle, soucieuse d’un cachet de prestige, mais ne réussit qu’à être à la fois pompeuse et parfaitement creuse. Le film ressemble à la grande maison où se déroule l’essentiel de l’(in)action : une suite de couloirs absolument vides, des murs nus, des pièces trop vastes et des bibelots minuscules. Sans jamais se départir d’un sérieux de pape, des personnages inutiles errent dans les vestibules, montent les escaliers sans le moindre élan vital, se posent dans le champ sans savoir pourquoi, tout juste occupés à avoir l’air absorbé par le grand art. Le film voudrait se tenir en permanence dans une posture d’écoute de la musique -ce qui n’est pas une mauvaise idée. Or la musicalité, si tout le monde ne parle que de ça, est totalement absente de la mise en scène. Mes enfants… est un violon sans corde, presque ridicule dans son acharnement à vouloir faire exister ses personnages soit plats, soit superflus (on attend une heure avant de comprendre que le personnage de Mathieu Amalric est sans intérêt, même sur le plan du récit). C’est un film touchant parce qu’indéniablement sincère, mais l’art du plan-plan poussé à incandescence empêche toute velléité d’attendrissement.