Grâce au boom actuel du cinéma argentin, les distributeurs raclent leurs fonds de tiroirs. Dernier exhumé en date, Mercano le martien, dessin animé vieux de trois ans, aventures grand écran d’un personnage télévisuel cultissime en son pays. Dommage pourtant qu’une sortie aussi fade que cette transparente veillée cannoise lui soit réservé. Très rock’n roll, mordant et maîtrisé, le film se glose de sa propre trivialité avec une folie cartoonesque rarement égalée. Fauché comme les blés, grand guignol ricaneur et anarcho, son créateur Juan Antin est surtout un grand frondeur dont l’étonnante clairvoyance et la débrouillardise de bricoleur lui permettent de tenir efficacement son sujet.

Aussi rachitique que farfelue, l’histoire tient en deux lignes (Mercano le martien part venger la mort de son chien à Buenos Aires où il se retrouve coincé) et sert délibérément de prétexte à un jeu de massacre exhaustif. Pourtant, le film a beau reposer sur le seul principe de la vanne claquante, il parvient grâce à ce grattage monocorde à préserver son tempo. Jonglant avec tout ce qui vient (les jeunes, les capitalistes, les américains et tiers-mondistes), Antin parvient à faire du saccadé sa structure. Les scènes se suivent telles une succession de planches de BD satiriques : courtes, droites et saignantes, graphiquement spartiates, elles défilent, de plus en plus potaches, de plus en plus répétitives pour aboutir à une explosion jubilatoire, bon en avant féroce et incroyablement dynamique.

A tel point qu’on sent le côté snipper de Juan Antin dépasser le rigolo vachard et élever le film aux confins primaires du rire cathartique. Car Mercano est à des années lumières de la bande de morveux de South park, auquel l’univers graphique, l’humour pipi-caca, les salves satiriques et l’origine télé font immédiatement penser. Concentré de tares comme ses cousins yankees, il est cependant seul, naïf et n’a strictement rien à défendre. Muselage incroyable pour une comédie, de surcroît d’animation, qui accentue l’ignominie délirante du film, rythmé de bout en bout par ce personnage bouc émissaire. Rien que pour cette méchanceté à la limite de l’expérimental, on en redemande.