Il y a comme une surprise à la fin de Medianeras, de s’apercevoir que le film n’était la publicité de rien du tout. Ni d’une grande société de télécoms au nom d’agrume, ni d’une berline allemande en trois lettres ou d’aucune autre boite voulant écouler ses produits, au prétexte qu’ils réenchanteraient nos paysages urbains contemporains. Chacun connaît ces spots qui, avec une sorte d’élégance parfois, font passer la consommation pour un supplément d’âme, une solution poétique pour un monde déshumanisé, nonobstant leur photo austère et via une bande son toujours pointue. Le film de Gustavo Taretto ne prend strictement aucune distance avec l’ambiance que, réalisateur de pub, il employait jadis au service des marques. Saluons tout de même cette croyance sincère dans l’égalité des régimes, dans une continuité plastique entre art de la réclame et ce qui se réclame artistique. Au fond, pourquoi pas.

Taretto collectionne donc les instants gracieux (selon lui), les intersections éphémères de solitudes sur les trottoirs grouillants de Buenos-aires. Son attention est portée à un couple potentiel, deux voisins voués à se rencontrer, en quête du grand amour, chacun dans un coin. L’une sort à peine d’une longue relation qu’elle rumine toute la journée, l’autre croule sous les phobies et s’assomme à la lumière crue des écrans d’ordinateurs et aux somnifères divers. Ils ont pour eux un charme un peu abattu, de l’ordre du haussement d’épaule, et la proximité de leurs appartements comme tout destin.

Medianeras – en Français « murs mitoyens » – se vit comme une suite de vignettes, de cases, de petites fenêtres isolées, ouvertes sur l’intimité et qui ne demandent qu’à communiquer entre elles. Un charme agît lorsque les personnages osent un pas vers l’extérieur, mais trop souvent, le film peine à dépasser le clin d’œil mignon, la référence sympa au quotidien des grandes villes. Logique verticale, vitrines de magasins délaissées, foules penaudes, le programme moderniste défile, sur fond d’une naïveté sentimentale extrême. Si l’on se plait à traverser ainsi la capitale argentine, à la faveur d’une certaine densité visuelle, c’est surtout par l’intermédiaire de la belle Pilar Lopez de Ayala qui porte avec elle une sensibilité supplémentaire, un mystère mis à l’épreuve à chaque rencontre.

Medianeras ne se pose pas de questions d’ensemble, ne vise aucun autre récit que celui d’ajourner au maximum l’inévitable rencontre des tourtereaux. Les enjeux classiques du cinéma sont ignorés au profit d’un empilage de situations et de hasards. Comme le film est entièrement voué à la bonne idée et la justesse poétique (façon gorgée de bière), les personnages y sont un peu aspirés, consacrés à la forme et respirent peu. On pourra toujours arguer que ce déficit de vitalité sert le propos d’un film qui traque le parcours géométrique, architectural d’une rencontre.

Plus décisif, le ton léger issu de la pub conduit à désamorcer en permanence la tristesse, le drame que suppose pourtant son esthétique. Le détournement général de la ville solitaire en terrain de jeu relève de l’aveuglement, voire de l’artifice médicamenté. Rêvons plutôt d’un cinéma capable d’enchanter les mornes paysages sans faire le sacrifice de la lucidité.