La première demi-heure de Mauvaise passe, le nouveau film réalisé par Michel Blanc, surprend agréablement. Le rythme est rapide et les échanges pas trop marqués par le mot d’auteur. Le film ne perd pas de temps et installe avec une certaine force la situation de départ : Pierre, interprété par Daniel Auteuil, est un universitaire parisien de quarante ans qui vient s’exiler à Londres, suite à une grosse fatigue. Un soir, il rencontre un jeune londonien qui devient son ami et lui propose peu à peu une nouvelle vie : celle des escort-boys. Cette forme de prostitution est un moyen pour Pierre de se mettre à l’épreuve, et il finit par s’y engager avec un bel engouement. Ce qui surprend dans ce premier temps du film, c’est la relative aisance du réalisateur à oublier les données de son scénario pour filmer assez justement le rapport entre ces deux personnages masculins, le quadragénaire fatigué et le gigolo branché. Certes, les deux figures sont archétypales, mais les acteurs savent donner de l’épaisseur à une relation qui finit par toucher un peu : Daniel Auteuil, dans son versant Sautet, joue l’apeuré sans prises sur sa vie, tandis que Stuart Townsend, aperçu dans le récent Wonderland de Michael Winterbottom, incarne l’énergie d’une vie facile qui va réveiller Pierre.

Pourtant, ce début prometteur s’avère sans suite. Michel Blanc redevient vite le scénariste qu’il est. C’est précisément au moment où il veut raconter la nouvelle assurance de Pierre, devenu un escort-boy épanoui, que son film tombe dans la plus plate banalité. Tendu vers sa démonstration scénaristique -Pierre s’est engagé dans un processus destructeur, à l’issue duquel il retrouve un enfer plus dur que celui qu’il a quitté-, Blanc délaisse tous ceux que croise son personnage. Auteuil perd aussi son under-playing du début et, sans progression dramatique, retrouve les accents haut en couleurs de son versant Molinaro. Dommage. On aimerait plus de soin pour les clientes de Pierre, réduites ici à n’être que les variations de son ego destructeur. Il y a là comme une impasse du récit, qui se polarise sur l’acteur parce qu’il n’a plus rien à dire sur le personnage.

Pour finir, il faut ajouter que le parti pris esthétique du film vire rapidement à l’insupportable. On sent une volonté balourde de se démarquer du cinéma français psychologique en adoptant la forme visuelle très à la mode du cinéma anglais. Ainsi, le filmage à l’épaule apparaît très vite comme un choix qui nuit au film, à sa nécessaire sobriété ; de même, le montage nerveux qui enchaîne des plans très courts et ose des raccords qui se veulent mal fichus donne peu à peu à l’ensemble un côté « copie » d’élève qui empêche d’y voir autre chose qu’un exercice de style manquant son but.