Le retour discret de Stephen Frears au premier plan ne se confirmera pas avec Madame Henderson présente, comédie à l’ancienne basée sur des faits réels passionnants : l’achat par une richissime veuve d’une salle de spectacles de Soho, le Windmill, qui, affublée d’un directeur artistique génial, va bouleverser la tradition du théâtre londonien pendant la Seconde Guerre mondiale. Le talent du cinéaste n’est pas en cause, au contraire : il suffit de quelques plans pour dépasser de très loin la moyenne du genre -cadres et dialogues ciselés, élégance et finesse de chaque détail, plaisir d’un académisme transcendé par l’ironie saillante et enjouée de la personnalité de l’auteur.

Oui mais voilà, si le film marque par sa légèreté et son allant durant une première partie pleine d’énergie, de la rencontre du duo infernal à leur difficile collaboration, quelque chose casse sitôt que le cinéaste cherche à en faire trop : le mélodrame, qui naît avec le basculement dans la guerre, enfonce le film dans une soporifique lenteur se croyant tout permis. Le romanesque léger de la reconstitution se laisse alors écraser par un pompiérisme de tous les instants : la truculence voluptueuse du début, assez admirable, disparaît ainsi peu à peu sous un torrent de rebondissements artificiels, perdant toute sa spontanéité.

Ce qui explique un tel affadissement progressif du film ne s’explique pas seulement par une volonté d’en faire trop, mais aussi par cet académisme qui fait la fois la force et la faiblesse du cinéma de Frears : force quand celui-ci se contente de porter l’intelligence et le souffle d’un esprit supérieur (on se souvient du formidable High fidelity) ; faiblesse quand il n’est plus que le garant d’un cinéma de qualité, consensuel et lénifiant, bourgeois et fier de l’être. Chez Frears, le sujet est tout, et lorsque comme ici celui-ci n’a qu’un intérêt limité, regard mou sur un phénomène historique au potentiel spectaculaire limité (l’apparition du nu dans le théâtre britannique, l’idée du spectacle continu), le film n’a d’autre choix que de s’écraser peu à peu. A oublier, mais sans honte.