Premier long métrage de cinéma de Jerôme Enrico (assistant pour Chéreau, Altman, et réalisateur de téléfilms), L’Origine de monde n’est rien moins que la transposition dans le Marseille d’aujourd’hui de la tragédie de Sophocle Oedipe roi. Tourné en DV, le film se passe aux franges de la ville, dans un monde nocturne et inquiétant, et raconte l’itinéraire d’un flic, Sami, qui en enquêtant sur un meurtre remonte peu à peu le cours de son propre passé. Il se remémore un autre assassinat qu’il a commis auparavant. La victime, un gangster, s’avère être l’ex d’Anna, la femme qui partage sa vie et la mère de ses deux enfants…

Avant d’être l’un des mythes essentiels de la psychanalyse, Oedipe roi est effectivement une grande tragédie, une sombre allégorie sur le destin et l’identité humaine. Jérôme Enrico n’a pas cherché à dégager de nouvelles implications analytiques à cette histoire, mais à la raconter littéralement tout en y ajoutant quelques éléments connotés polar. Pourquoi pas ? Sauf qu’on ne voit pas trop ce que cet assemblage de séquences sans queue ni tête, peuplées de personnages incompréhensibles et filmées n’importe comment (le tournage en DV atteint ici le summum du n’importe quoi) rend compte de quelque manière de l’œuvre de Sophocle. Enrico, qui ne sait visiblement pas quoi faire de ses acteurs -Roschdy zem et Angela Molina, aussi paumés l’un que l’autre, Bashung désespérément mauvais- ni de la caméra, égrène les symboles dans l’espoir de voir germer un peu de sens dans l’amas informe de ses images. Une incursion du personnage dans un musée, où il s’arrête devant la fameuse toile de Courbet qui donne son nom au film est censée nous éclairer sur l’histoire. Mais de toute évidence, les personnages et l’intrigue sont avortés et ne sont que prétextes à un exercice de style raté. Cette digression fumeuse qui ne va nulle part opte donc pour la pose. Hélas, L’Origine du monde n’a même pas l’alibi de l’élégance.