Nulle surprise avec cette adaptation made in Germany du roman de Houellebecq. Prise de contact évidente entre le pessimisme sauvage fin de siècle de l’écrivain successfull et la tendance canapés-moches du cinéma allemand d’aujourd’hui. Ce cinéma allemand dans son inclinaison dominante, toute grise, envers laquelle on peut naturellement développer une certaine allergie. Cet écrivain français qui, dit-on, a su cristalliser le désarroi suintant d’une civilisation malade. L’un dans l’autre, ça donne Elementarteilchen, rien que ça. Ça fiche un peu les pétoches. Le film essaie d’être malin, plus malin que son matériau de base. Il en reprend le récit : les courses parallèles de deux demi-frères vers, sinon le bonheur, au moins un peu de soulagement, la rupture d’une solitude glauque et déceptive à quoi le mâle occidental semble condamné. L’un est généticien, déterministe, introverti, un peu enrobé, solitaire. No sex. Jusqu’au jour où il retrouve son amie d’enfance et entrevoit avec elle la possibilité du bonheur. L’autre est prof, du genre qui se branle sur les interro surprises de ses élèves lycéennes, cherche désespérément à satisfaire ses fantasmes jusqu’à sa rencontre, dans un camping poilu et communautaire, avec la femme de ses rêves avec laquelle il entrevoit la possibilité du bonheur.

Oskar Roehler aurait gagné son pari -rendre tout ça digeste- s’il avait définitivement opté pour ce qui, dans le film, ne reste qu’à l’état de promesse : la naissance d’un romanesque désenchanté entre les plis de la mauvaise conscience et de la névrose sale. Au lieu de quoi le bon docteur Roehler prend soin de ses personnages comme on s’occupe de malades en service gériatrie. Rétrécis à leur dimension de symptômes, les deux frères n’existent pas, sinon sous la croûte de performances d’acteurs assez pénibles. Au triple galop le discours revient contaminer la mise en scène déjà claudicante d’une détresse d’aujourd’hui. Et rien ne s’aventure plus guère sous le soleil de la fiction, puisqu’à l’ombre de l’effet Houellebecq tous et tout rabâchent et ressassent, barbotent dans l’assurance étalée et la certitude grandiloquente du chef-d’oeuvre à la petite semaine, pour finalement ne pas dire grand-chose. Et fatalement Roehler se prend les pieds dans un tapis pourtant pas bien épais (la scène merdeuse du suicide, sur l’air de « se jette ? se jette pas ? »). Le réalisateur n’a pas su éviter le pensum-ratatouille à quoi son projet semblait condamné. Son film est donc un non-événement.