D’un film sur l’autre, Monteiro ne change guère : une fois de plus en Jean de Dieu, les jeunes filles et leur grâce sont comme toujours ses priorités existentielles. Amoureux de la chair et de la bonne chère, notre héros n’est toutefois pas en mesure de satisfaire totalement ses pulsions, voire de les assumer. Ainsi, se régalant par avance d’un pot-au-feu, il en remplit son assiette sans modération, pour finalement ne pas y toucher. De même, lors de sa nuit de noces avec la (fausse) princesse Elena, Jean de Dieu aura beau mouvoir ardemment son long corps décharné, il ne parviendra pas au plaisir, ni même à un acte sexuel digne de ce nom, préférant récidiver au petit matin (moment de la journée davantage propice au cunilingus, puisque « le con a été confit par la nuit et n’en est que plus délicieux »). A l’aube, il sera malheureusement trop tard : la princesse aura déjà pris la fuite… Alors, ascète ou impuissant ? Peu importe, car si le personnage est davantage du côté de l’inaccompli, c’est pour rester de plain-pied dans le désir, la gourmandise, le goût de l’autre et de l’univers. A la tête d’une fortune colossale remise par un envoyé divin dès la première séquence du film, Jean de Dieu passe du statut de mendiant à celui de Baron, acquiert un véritable palais, mais ne perd jamais de vue sa quête amoureuse…

Monteiro est un cinéaste étrange, adepte des dissemblances troublantes, aimant confronter -entre autres- un certain hédonisme et quelques perversions « de bon goût » (le fétichisme notamment), son physique impressionnant de vieillard et la nudité juvénile de ses comédiennes, son athéisme moqueur et la religiosité de ses plans. C’est de cette volonté cosmique cultivée sans grand sérieux (en d’autres termes, pouvoir tout montrer tout en jouant sans cesse au dilettante) que naît la beauté de son cinéma, l’humour pince-sans-rire des dialogues, la profonde singularité des situations et du rythme. Pourtant, au bout de deux heures de projection, le cinéaste surprend plus rarement et finit par lasser quelque peu. Réserves modérées, car bien que trop étirées et parfois proches de la complaisance, ces nouvelles aventures de Jean de Dieu n’en demeurent pas moins radicales et passionnantes : Monteiro honorant comme nul autre les beautés du monde.