Les Maîtres du jeu ne trompe pas sur la marchandise : des cartes, des stars vieillissantes, un parfum d’arnaque glamour et des belles pépées vicelardes aux bouches pulpeuses et aux décolletés vertigineux. Vissé-carré et pro, on vous dit, dans la droite lignée du cinoche à l’ancienne, mi-« Hollywood night » sur TF1, mi retro chic genre L’Arnaque. Même le débutant Damian Nieman, modeste signataire du film, est un vieux de la vieille. Assistant sur des productions indépendantes, ouvrier spécialisé puis qualifié aux effets spéciaux sur de récentes grosses machines (Godzilla, Fight Club), il apprend en parallèle le maniement des cartes dans les casinos de Las Vegas. En résulte logiquement ce film, plongée dans le petit monde des mafieux du poker et du cinéma de papa.

Non, ce film ne trompera jamais. Nieman n’est pas un petit malin, juste un faiseur à 200 %, un artisan terre-à-terre jusqu’au bout des ongles. Le plus : ce sérieux impeccable dans la structure du scénario, les dosages, l’action et les costumes. Le moins : un verrouillage systématique qui renvoie sans cesse le film à sa dimension de produit calibré. Le problème de Nieman, c’est sa propension à concevoir le cinéma comme on lit un livre de recette. Le jeune réalisateur cristallise là toutes les limites de l’apprenti modèle : savoir dupliquer, savoir faire sans jamais réfléchir une demi-seconde au pourquoi du comment. Le film, quête perpétuelle du père spirituel n’est que ça, au sens bas du front. Entre le magicien, le mythe mafioso et l’escroc attachant, le jeune héros doué n’a que trois cartes à chérir. Trois facettes de sa personnalité de jeune héros doué, qui tombent l’une après l’autre, à temps égal, pour ne pas désorienter le public mais surtout parce que c’est comme ça.

Seuls certains acteurs donnent à l’ensemble un petit supplément d’âme. Le magnifique Gabriel Byrne, dans le rôle de la petite frappe, creuse comme il peut sa loose classieuse. Personnage d’autant plus touchant que cet éternel SDF d’Hollywood (beaucoup de films à succès, mais jamais de starification) est associé à Thandie Newton, belle plante dont la carrière fulgurante et chancelante (Mission : impossible 2 et plus rien) prend le même chemin que son partenaire. Et puis il y a Stallone, vétéran mythique, guest star divine si figée et fardée qu’on le croirait littéralement embaumé. Son face à face avec Mélanie Griffith, autre vieille gloire fatiguée reste le vrai paradoxe du film. Alors que Nieman s’imagine filmer deux idoles à la cinquantaine radieuse et insolente, on assiste à un duo de momies massacrées par le mascara et le bistouri. Pathétiques, monstrueuses ou émouvantes, on ne sait toujours pas. Reste que ces deux freaks raflent encore la mise sur les jeunots, dont le cinéaste. Et ce n’est malheureusement pas lui qui voudrait le contraire.