Premier long métrage de Thomas Vinterberg, coqueluche du Festival de Cannes en 1998 avec Festen, Les Héros ne relève pas du Dogme dont la promulgation des règles fut postérieure à sa réalisation. L’occasion de vérifier le talent du cinéaste dans un registre différent de l’effet coup de poing asséné par sa « fête de famille ».
Accompagné par sa fidèle troupe d’acteurs (la plupart joueront par la suite dans Festen), Thomas Vinterberg imagine un road movie entre le Danemark et la Suède. Sans renouveler le genre, le réalisateur nous livre un film des plus honorables qui met un peu de temps à démarrer jusqu’à ce qu’on se laisse définitivement emporter par l’ambiance brumeuse des paysages nordiques.

Karsten et Peter sont deux trentenaire marginaux : l’un est en semi-liberté conditionnelle et doit régulièrement pointer en prison, l’autre est atteint d’épilepsie. Un jour, Karsten fait la connaissance de sa fille âgée de 12 ans. Quand celle-ci lui avoue qu’elle est battue par son beau-père, il décide de l’emmener en Suède rejoindre deux amies. Commence alors une improbable course-poursuite en voiture entre les trois camarades et le beau-père, militaire de carrière, qui entend bien récupérer la gamine. Si l’on retrouve dans Les Héros le thème de la famille, point névralgique de Festen, il s’agit plutôt ici d’une alliance aussi forte que momentanée entre trois êtres qui tentent en vain d’échapper à leur médiocre condition. Comme toujours, le road movie sert d’ouverture vers un ailleurs qui permettrait de mettre fin à des situations devenues intolérables, et comme toujours, le rêve se solde par un échec. Thomas Vinterberg suit pas à pas cette structure dramatique somme toute assez classique. Rien d’innovant, si ce n’est le regard du cinéaste sur ses « héros ». Comme dans Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Thrin Thi, l’échappée sur la route est surtout l’opportunité de dresser le portrait de personnages qui se mettent volontairement au ban de la société. Chez Vinterberg, ceux-ci ont une nette propension à balancer entre le pathétique et le magnifique, à l’image de Karsten, voyou minable qui assume avec courage son nouveau rôle de père. Ces dissonances qu’introduit le cinéaste dans son histoire constituent la vraie réussite du film, ni mélo facile, ni geste rebelle tapageur. Ses « héros » ont la force tranquille d’une humanité saisie avec sensibilité par le cinéaste.