La recherche de l’originalité telle qu’on s’y adonne à Hollywood ressemble parfois à une fastidieuse et incessante arithmétique. On épuise purement et simplement toutes les combinaisons possibles pour trouver on ne sait quel code miraculeux, sésame du box-office. Modeste tentative de recyclage, Les Fugueurs reprennent l’intarissable matrice qu’est le motif du couple en fuite, qui a fait aussi bien la fortune d’un romantisme sauvage spécifiquement hollywoodien (J.H. Lewis, Ray, Malick) que de manipulations tristement racoleuses (Tony Scott ou Oliver Stone). Dans cette série, jusqu’ici à dominante violente et tragique, voici maintenant la bluette.

Charlotte (Susan Sarandon) n’est jamais sortie de Clarion, bled propret et ennuyeux de l’Etat de New York. Décidée à quitter son mari, un pasteur docte qui s’intéresse moins à sa femme qu’à ses fidèles, elle est venue retirer ses économies à la banque. Manque de bol -ou aubaine, qui sait ?-, Jake Simms (Stephen Dorff, sous sa capuche) s’est mis en tête de braquer la banque ce jour-là. Il embarque Charlotte comme otage. Jake est un évadé. Mais, on s’en doutait, Jake est un bon petit gars, même s’il est parfois un peu impulsif. Il a juste besoin d’un peu d’argent pour retrouver sa petite amie enceinte qui l’attend en Caroline du Sud. Charlotte, plutôt arrangeante comme otage, comprend bien son problème. Ensemble, ils traversent un bout d’Amérique ensoleillée.

La suite n’est pas difficile à deviner, alors inutile d’aller plus loin au risque de dévoiler les rares surprises que recèle le scénario de cette comédie sans prétention. Bon d’accord, Stephen Dorff, en jeune paumé, semble plus s’être évadé d’une pub pour GAP que d’une cellule de pénitencier. Le personnage de Susan Sarandon (une quadragénaire ingénue qui se découvre « un droit au bonheur », décidément apanage de tout personnage féminin hollywoodien qui se respecte) n’a pas l’âpreté émouvante de Thelma et Louise. On peut déplorer qu’il n’y ait pas une once de réalité dans cette mise en scène, par ailleurs très effacée et dénuée de fantaisie. L’absence d’ambition, chez certains cinéastes, est parfois navrante. Mais ici, elle attire plutôt l’indulgence. S’il faut vraiment se forcer pour croire une seconde à cette histoire, d’une nouveauté bien trop timide, le tout, frais et digeste, est loin d’être désagréable. Incrédule, on se prend pourtant à rire à certains détails, on se grise à énumérer sans méchanceté les poncifs plus ou moins bien négociés par le scénario, qui propose tout de même quelques situations drôles et inédites. Divertissement banal, Les Fugueurs manquent de conviction, mais ne sont pas indignes d’un savoir-faire qui, au fond, nous échappera toujours…