Quand Pier sort de prison et que les portes se referment derrière lui, plus que la joie, c’est l’angoisse qui domine. Toutes ces années enfermé, et maintenant la liberté ! Après l’expérience carcérale infantilisante, il semble désarçonné face à sa nouvelle vie. Ne sachant que faire, il se réfugie chez son ami réceptionniste d’hôtel, passe sa journée à dormir, et le soir venu, décide de sortir. La nuit est toute à lui, et nous allons alors le suivre dans la découverte de son nouveau Paris, dans ses pérégrinations géographiques et sentimentales, dans ses rencontres. Pour cette première nuit en forme de ré-initiation à la vie urbaine, Sophie Comtet a choisi des partis pris esthétiques et de mise en scène qui font de ce film une œuvre personnelle, proche de l’intime. Il n’y a pas d’histoire à proprement parler, mais des instantanés de vie. L’usage de la narration libre par Sophie Comtet dévoile le peu de cas qu’elle fait du scénario, préférant capter avec sa caméra la poésie dégagée par les rencontres nocturnes de Pier avec ces êtres qui errent dans la nuit parisienne. Du coup le film se situe dans le domaine de la poésie pure. Devrait-on même dire de l’imagination et du rêve ? Le montage en effet, alternant des plans de Pier en prison, et les fondus au noir coupant parfois les scènes comme des battements de paupières, insinuent à la longue un doute quant à la réalité de ce que nous voyons. Pier est-il réellement sorti de prison ? N’assistons-nous pas à son rêve ? En introduisant ce flou, Sophie Comtet renforce le caractère aléatoire de l’histoire, comme si en laissant planer le doute, ce n’était plus elle qui comptait, mais plutôt la volonté de fouiller l’humain derrière toutes ces façades que sont nos visages.
L’interprétation de Pierrick Sorin, sur qui repose tout le film, pose cependant un problème. Son jeu assez outrancier ne laisse pas indifférent : on peut soit le trouver charmant avec ses allures de petit garçon perdu, soit le voir tel un attardé mental en ballade. Le hic, c’est qu’on hésite souvent au cours du film entre les deux. La crédibilité de certaines scènes s’en trouve amoindrie, car cela donne parfois lieu à une naïveté assez dégoulinante de bons sentiments, à l’image de la scène dans le métro quand Pier demande à quelqu’un si « l’on voit de la poésie dans ses yeux ». On est parfois attendri, parfois agacé, le film pourra paraître de même selon l’appréciation de chacun.