Animée d’un réflexe quasi pavlovien, la critique en mal d’inspiration fait appel à David Lynch et son Eraserhead dès qu’elle se retrouve face à un univers un tant soi peu insolite et une image en noir et blanc. Une solution de facilité à laquelle on ne sera pas obligé de recourir puisque Christophe Ali et Nicolas Bonilauri, les réalisateurs du Rat, déclarent eux-mêmes dans le dossier de presse avoir été grandement influencés par le cinéaste.

Mais en réalité peu importe que la référence soit le fait des deux réalisateurs et non d’un journaliste paresseux ; dans les deux cas elle est fort peu judicieuse. Car excepté le fameux binôme évoqué plus haut -étrangeté et noir et blanc-, les deux films n’ont strictement rien en commun. Tandis qu’Eraserhead ne peut être que qualifié de chef-d’oeuvre, mot galvaudé mais totalement justifié dans ce cas, Le Rat n’est qu’un éprouvant ramassis de tics visuels. Par le biais d’une intrigue opaque d’où ne filtrent que quelques maigres éléments cohérents -les méfaits d’un vieillard serial-killer qui collectionne les morceaux de femmes en hommage macabre à une mère trop aimée et la présence d’un rat en témoin impassible et poilu des crimes-, le film cultive méticuleusement sa bizarrerie. Hélas, hormis la troublante et involontaire ressemblance de l’acteur principal, Marcel Fix, avec Henri Krazuki, cette étrangeté arborée à chaque plan n’est jamais véritablement au rendez-vous. Le Rat, bien trop conscient de ses effets, fonctionne de manière stérile en circuit fermé. Les gros plans serrés, l’éclairage soigneusement expressionniste, les scènes de meurtre soi-disant traumatisantes du film ne provoquent tout simplement rien, ni fascination, ni rejet. Rien qu’une terrible indifférence. Christophe Ali et Nicolas Bonilauri ont eu l’évidente ambition de réaliser une oeuvre fascinante et inquiétante mais à l’écran on ne voit qu’un exercice maniériste particulièrement asphyxiant.