Le Petit poucet ou le nouveau témoignage d’un jeune cinéma français qui cherche coûte que coûte à se démarquer de ses aînés, à s’insurger contre l’idée d’une école soi-disant sclérosée par ses obsessions sociales ou nombrilistes (discours fumeux mais toujours en vogue chez les post-pubères mal dégrossis). Après Kasso, Kounen, Gans (certainement le plus talentueux et le moins arrogant de la bande) et d’autres encore, Olivier Dahan s’immerge à son tour dans un univers fantaisiste, loin du « parisianisme » et de ses petites histoires de cœur ou de cul si décriées. Nonobstant une méconnaissance malhonnête de cette frange de cinéastes abhorrés, Dahan a choisi son camp dès son premier long métrage (Frères, réalisé pour Arte) : la forme au mépris du fond, l’image choc plutôt que la cohérence, la naïveté crétine élevée au rang de mythe romanesque (voir l’atroce Déjà mort).

Le conte de fées s’imposait donc comme le matériau idéal pour offrir au public sa dose d’évasion et bannir une fois pour toutes l’idée de réel. Bref, tout l’inverse du Peau d’âne de Jacques Demy, qui fascinait justement par sa façon presque crue de traiter le fantastique. Pourtant, ce souci de recréer le champ dans son intégralité, des costumes au moindre arbre du décor, ne va pas sans charme. Malgré le caractère étouffant de cette sombre adaptation, Le Petit poucet fait montre d’une certaine inspiration dans ses visions cauchemardesques. De ce capharnaüm trop storyboardé se dégagent ainsi quelques jolies silhouettes fantasmagoriques, une poignée de matte-paintings séduisants et d’élégantes illusions numériques. Mais si Dahan a du talent pour la direction artistique, ses dons de metteur en scène sont beaucoup plus contestables, reflétant un passé de clippeur sans grande envergure. Découpage aberrant, insistance des gros plans et figuration grotesque -l’ogre et son masque de monstre, Elodie Bouchez accoutrée en Delphine Seyrig époque Marienbad– sont donc les mamelles de cette version davantage destinée aux lecteurs traumatisés de Bettelheim qu’aux enfants en bas-âge. Cerise sur le gâteau : l’apparition tardive d’une Catherine Deneuve plus figée que jamais en reine liftée… Quant à la superbe musique de Joe Hisaishi (compositeur attitré de Miyazaki, l’auteur de Princesse Mononoké), elle ne fait que souligner le contraste entre l’ambition démesurée du film (produire un vrai spectacle lyrique aux accents cruels) et son résultat décevant.