Nous retrouvons dans Le P’tit Tony l’univers décalé et empli de noirceur de ce cinéaste néerlandais issu du théâtre et de la peinture. Un couple de quadragénaires, dont le mari est analphabète, voit sa petite vie monotone perturbée par l’arrivée d’une institutrice. Les rapports des trois protagonistes vont sans cesse se modifier, chacun d’eux étant tour à tour passif, complice ou cruel. Keet, la femme de Brand, pousse ce dernier dans les bras de Lena l’institutrice, lorsqu’elle se rend compte que son mari est attiré par elle. Brand se laisse faire mais comprend trop tard que le véritable objectif de Keet est de tout faire pour qu’il ait un enfant avec Lena, car sa femme n’a jamais pu en avoir.
Le quatrième film d’Alex van Wamermdam se distingue par un souci constant de mise en scène, notamment par une composition des cadres extrêmement rigoureuse dont la parenté avec la peinture est évidente. Les toiles d’Alex van Warmerdam, déjà présentes à l’écran dans La Robe, sont ici directement transcrites par la pellicule. Dans chaque plan, les personnages, les décors, la maison ont une place bien précise. Le village où les voisins passaient leur temps à s’épier se résumait à une rue dans Les Habitants, il est ici transposé dans une maison minuscule. Située dans un lieu issu de nulle part, elle semble réduite à des portes derrière lesquelles personne ne peut s’abriter. L’exiguïté des lieux, la promiscuité forcée de ce faux ménage à trois vont conduire à une dégradation de leurs relations.
Le P’tit Tony nous livre une vision originale et sombre des rapports amoureux dans laquelle seule la lutte pour le pouvoir est la raison de vivre d’un couple où ni l’homme passif, ni la femme, mère dominante et frustrée, ne sont épargnés.
Le pessimisme de ce cinéaste n’exclut cependant pas un certain humour basé sur l’observation du quotidien. L’ensemble du film est cruel mais Alex van Warmerdam est un représentant plus qu’intéressant d’une cinématographie peu représentée sur nos écrans.